2011: L’Humanisme cinématographique

Il est assez paradoxal de commencer un blog par un bilan, mais le moment de l’année me le permet. L’année 2011 touche à sa fin et se révèle d’une qualité impressionnante. Ce n’est pas l’année 2010, où seul le Mother de Joon-Ho Bong se démarquait du paysage cinématographique. On suit ici un schéma tout autre. On assiste au retour de nombreux cinéastes: Lars Van Trier, Les Frères Dardennes, Steve McQueen, Sofia Coppola, Gus Van Sant, David Cronenberg, Darren Aronofsky, Danny Boyle mais surtout le retour triomphant et magnifique de Terrence Malick. C’est aussi les rendez-vous annuels (et répétitifs) des habitués: Clint Eastwood, Pedro Almodovar, les Frères Coen, Roman Polanski, Woody Allen. Voilà pour une rapide vision des réalisateurs.

On assiste à un retour sur l’homme, sur la vision que l’humanité à d’elle-même. Ce n’est que par cette introspection que le cinéma atteindra d’ailleurs (sauf exception) son sublime.  C’est l’homme face au danger inévitable, l’homme anéanti et en voie de disparaître qui permet aux réalisateurs de raconter les plus beaux contes cinématographique. La genèse de l’humanité prend son sens par la peinture métaphysique de Terrence Malick, son Tree of Life pousse à son paroxysme l’onirisme par des images, ou plutôt des oeuvres créatrices de sentiments, de sensations, d’impressions. L’au-delà se dessine alors dans la religion avec l’envoûtant refrain susurré par les acteurs « Father, mother ». La mort hante aussi le cinéma de plusieurs réalisateurs: le cosmos séduit Lars Van Trier qui signe avec Melancholia une éradication grandiose de l’humanité par cette planète qui signe inévitablement la fin d’un monde ponctué par la peur, la colère, l’appât du gain. La destruction est la réponse à la gangrène qui ronge la Terre de l’intérieur. Lorsque que le cosmos n’intervient pas, c’est alors les éléments qui se déchaînent: pour son film annuel, Clint Eastwood se penche sur la reconstruction de personnages touchés par la mort, et c’est l’histoire qui inclue Cécile de France qui illustre notre réflexion.

Jamais l’homme ne sera tranquille, s’il ne trouve pas sa souffrance dans le cosmos, c’est parce qu’il endure déjà son microcosme. Valéry Donzelli (La guerre est déclarée) sera sans doute la plus touchante en racontant l’histoire (personnelle) de son enfant atteint dès la naissance d’une tumeur au cerveau, elle aura le génie et le savoir-faire nécessaire pour ne jamais tomber dans le pathos, et trouvera la force d’en faire un film mixte qui mélange brillamment les genres du drame et de la comédie, car si on pleure, on rit. C’est également la devise de Maïwenn qui  avec Polisse, justement récompensé d’un Prix du Jury au Festival de Cannes, s’immisce dans la Brigade de Protection des Mineures (BPM) troquant la dureté de ses propos par des scènes comiques réellement hilarante. Mais lorsque je parle de dérèglement du microcosme je vois deux voies possible: d’un côté le mal qui ronge la société sous différente forme (la violence dans l’incroyable premier film Les Crimes de Snowtown, qu’on retrouve le thriller sud-coréen de Kim Jee-woon intitulé J’ai rencontré le diable; l’accident fatal dans On the Ice; ou encore une sorte de folie de l’homme moderne que Polanski illustre à merveille en adaptant la pièce de Yasmina Reza avec Carnage), de l’autre la maladie qui détruit l’intérieur de l’homme pour finalement le rendre plus vivant, le dé-diviniser: Restless les fait sans doute partir trop tôt, mais cela est égal puisque face à la mort nous perdons dans tous les cas, Steve McQueen (Shame) empêche son héros de vivre, il le fige dans une obsession sexuel, et ne pouvons nous pas voir chez Darren Aronofsky (Black Swan) la folie de l’homme, son sentiment fou d’être toujours persécuté, mise à mal.

C’est face à ses propres combats qu’il peut s’en sortir et retrouver la gloire qu’il a perdu au profit de la nature, des forces de l’univers, c’est à dire ce qu’il ne maîtrise pas. Il ne maîtrise pas la nature, qu’il n’a d’ailleurs jamais maîtrisée. Les catastrophes géologiques qui ont eu lieu au cours de l’année le prouve bien: séisme, raz-de-marrée … Danny Boyle est un représentant de cette humanité vaillante qui peut avoir foi en elle, en sa survie. C’est en effet en offrant le rôle (son plus beau) d’ Aron Ralston à James Franco pour 127 Heures qu’il montre le potentiel souvent sidérant de l’homme, son courage face à ce qui paraît une situation perdu d’avance. Certes, vous pouvez me dire qu’Aron Ralston n’est pas n’importe qui, que tout le monde n’aurait pas la force et l’envie de survivre 127 heures, le bras coincé sous un rocher et n’avoir comme solution seulement l’auto-amputation de son membre. Mais, il n’est que le messie de l’optimisme en l’homme, d’un homme qui s’accroche à tout ce qu’il a pour vivre.

Certains d’entre vous peuvent voir autre chose dans l’année 2011 au cinéma, je me suis, quant à moi, intéressé à cela. La place que les cinéastes donne à l’homme m’a littéralement, ou plutôt cinématographiquement fasciné. Il est ni bon, ni mauvais, c’est le cadre qui l’entoure qui le façonne et le rend fragile. Il suffit, pour finir, de voir The Murderer du Sud-coréen Hon-jin Na pour le comprendre à travers le portrait de cette homme qui pour survivre ne peut que accepter de tuer cet homme qu’il ne connaît pas. L’homme n’est pas une certitude mais une multitude de possibilité qui restent ouverte au cinéma. La voie commencée par le cinéma mondial de 2011 semblent continuer sur sa lancée avec le très bon Take Shelter sortie en début d’année 2012.

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