Festival Américain de Deauville 2013 : Jour 4

Stand Clear of the Closing Doors, Sam Fleischner

Compétition – Stand Clear of the Closing Doors, Sam Fleischner
Robin Miranda / ☆☆☆✖✖ – Bien
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆☆✖✖ – Bien

Short Term 12, Destin Cretton

Compétition – Short Term 12, Destin Cretton
Robin Miranda / ☆☆☆☆✖ – Excellent
Ambre-Philouze-Rousseau / ☆☆☆☆✖ – Excellent

Sunlight Jr, Laurie Collyer

Premières – Sunlight Jr, Laurie Collyer
Robin Miranda / ☆✖✖✖✖ – Mauvais
Ambre Philouze-Rousseau / ☆✖✖✖✖ – Mauvais

Festival Américain de Deauville 2013 : Jour 3

Fruitvale Station, Ryan Coogler

Compétition – Fruitvale Station, Ryan Coogler
Robin Miranda / ☆✖✖✖✖ – Mauvais
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆✖✖✖ – Pas Mal

The Retrieval, Chris Eska

Compétition – The Retrieval, Chris Eska
Robin Miranda / ☆☆☆✖✖ – Bien
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆✖✖✖ – Moyen

The Wait, M. Blash

Premières – The Wait, M. Blash
Robin Miranda / ☆☆☆✖✖ – Bien
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆☆✖✖ – Bien

Festival Américain de Deauville 2013 : Jour 2

Blue Ruin, Jeremy Saulnier

Compétition Blue Ruin, Jeremy Saulnier
Robin Miranda / ☆☆☆✖✖ – Bien
Ambre Philouze Rousseau / ☆☆☆☆✖ – Excellent

Sherif Jackson, Logan & Noah Miller

Compétition – Sherif Jackson, Logan & Noah Miller
Robin Miranda / ☆☆✖✖✖ – Moyen
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆✖✖✖ – Moyen

Wrong Cops, Quentin Dupieux

Premières – Wrong Cops, Quentin Dupieux
Robin Miranda / ☆☆☆✖✖ – Bien
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆☆✖✖ – Bien

Upstream Color, Shane Carruth

Premières – Upstream Color, Shane Carruth
Robin Miranda / ☆☆☆✖✖ – Bien
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆☆☆✖ – Excellent

Festival Américain de Deauville 2013 : Jour 1

Blue Caprice, AlexanderMoors

Compétition Blue Caprice, Alexander Moors
Robin Miranda / ☆☆✖✖✖ – Moyen
Ambre Philouze-Rousseau / ☆✖✖✖✖ – Mauvais

A Single Shot, David M. Rosenthal

Compétition – A Single Hot, David M. Rosenthal
Robin Miranda / ☆☆✖✖✖ – Moyen
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆✖✖✖ – Moyen

Blue Jasmine, Woody Allen

Premières – Blue Jasmine, Woody Allen
Robin Miranda / ☆☆☆✖✖ – Bien
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆☆✖✖ – Bien

Ma vie avec Liberace, Steven Soderbergh

Premières – Ma vie avec Liberace, Steven Soderbergh
Robin Miranda / ☆☆☆☆✖ – Excellent
Ambre Philouze-Rousseau / ☆☆☆☆✖ – Excellent

Que garder des années 2000 ?

Récemment, j’ai sollicité votre opinion pour réaliser un sondage : « quels sont les films des années 2000 qui vous ont le plus marqué ? ». Vous avez été plus d’une vingtaine à me faire part de vos coups de cœur, je vous remercie. Je vous dévoile ainsi les films qui sont pour vous les plus audacieux, les novateurs, les plus cultes.

1. In the Mood for Love, Wong Kar-Wai (Hong-Kong, 2000)

In the Mood for Love, Wong Kar-Wai

2. Le Seigneur des Anneaux : la Communauté de l’Anneau, Peter Jackson (Etats-Unis/Nouvelle-Zélande, 2001)

Le Seigneur des Anneaux : la Communauté de l'anneau, Peter Jackson

3. Kill Bill : volume 1, Quentin Tarantino (Etats-Unis, 2003)

Kill Bill : volume 1, Quentin Tarantino

4. Le Seigneur des Anneaux : le Retour du Roi, Peter Jackson (Etats-Unis/Nouvelle-Zélande, 2003)

Le Seigneur des Anneaux : le Retour du Roi, Peter Jackson

5. Le Seigneur des Anneaux : les Deux Tours,  Peter Jackson (Etats-Unis/Nouvelle-Zélande, 2002)

Le Seigneur des Anneaux : les Deux Tours

6. Le Voyage de Chihiro, Hayao Miyazaki (Japon, 2001)

Le Voyage de Chihiro, Hayao Miyazaki

7. Valse avec Bachir, Ari Folman (Israël, 2008)

Valse avec Bachir, Ari Folman

8. Good Bye, Lenin !, Wolfgang Becker (Allemagne, 2002)

Good Bye, Lenin !, Wolfgang Becker

9. Gran Torino, Clint Eastwood (Etats-Unis, 2008)

Gran Torino, Clint Eastwood

10. Million Dollar Baby, Clint Eastwood (Etats-Unis, 2004)

Million Dollar Baby, Clint Eastwood

Votre classement montre plusieurs tendances. Le retour d’une cinéphilie des blockbusters avec la présence des 3 volets du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson,. En effet, les années 2000 sont marquées par l’arrivée de véritables réalisateurs déjà encensés pour d’autres œuvres : Christopher Nolan révolutionne Batman, Sam Raimi s’en prend à Spider-man, Chris Columbus adapte Harry Potter. Voilà que des œuvres que vous avez mentionnées. Le spectateur peut alors enfin conjuguer divertissement et plaisir cinéphile comme dans les années 1970-80 avec George Lucas, Steven Spielberg ou Chris Columbus (déjà).

Les années 2000 marquent aussi l’éclosion d’une animation plus mature. Le monopole du style Disney s’effrite déjà : les Studios Ghibli de Miyazaki et Pixar amènent une nouvelle concurrence. Un cinéma qui dépasse la sphère de l’enfance et qui atteint même les festivals de cinéma puisque Le Voyage de Chihiro est présenté à Berlin, Valse avec Bachir à Cannes tout comme Persépolis et Les Triplettes de Belleville que vous avez aussi plébiscité. L’animation entre également dans un service de mémoire dont dispose le cinéma.

Les années 2000 sont également le théâtre d’un passage de relais au sein des réalisateurs américains. Seul Clint Eastwood parvient encore à atteindre des sommets critiques et publics, il réalise durant les années 2000 ses plus grands films qui installent son style à Hollywood presque en modèle. Les vieux de la vieille sont remplacés par de jeunes réalisateurs qui confirment leur succès des années 2000 comme Quentin Tarantino ou les Frères Coen. Mais c’est surtout de nouveaux visages qui deviennent des références : Peter Jackson, Christopher Nolan, James Gray, Sofia Coppola. Il en est de même en France avec Michel Gondry, Jacques Audiard, Michel Hazanavicius ou Maïwenn.

Je vous fais d’ailleurs part du classement des réalisateurs :

1. Peter Jackson – Trilogie Le Seigneur des AnneauxKing-Kong
(4 longs-métrages, 14 votes)

2. Clint Eastwood – Million Dollar BabyGran TorinoLettres d’Iwa Jima
(3 longs-métrages, 7 votes)

3 ex-aequo. (3 longs-métrage, 4 votes)
Pedro Almodovar – VolverLa Mauvaise EducationEtreintes Brisées
Jacques Audiard – Un ProphèteDe Battre mon coeur s’est arrêtéSur mes lèvres

5 ex-aequo. (3 longs-métrages, 3 votes)
Alejandro Gonzales Inarritu – Babel, 21 Grammes, Amours Chiennes
Christopher Nolan – Memento, Le Prestige, The Dark Knight

7. Wong Kar-Wai – In the Mood for Love, My Blueberry Nights
(2 longs-métrages, 7 votes)

8. Quentin Tarantino – Kill Bill, Inglorious Basterds
(2 longs-métrages, 6 votes)

9. Chris Columbus – Harry Potter 1, Harry Potter 2
(2 longs-métrages, 4 votes)

10 ex-aequo. (2 longs-métrages, 3 votes)
Michel Gondry – Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Science des Rêves
Paul Thomas Anderson – There Will Be Blood, Magnolia

Pour finir, je vous dévoile le podium des longs-métrages français qui font également part des mêmes remarques.

1. Persépolis, Marjane Satrapi, Vincent Peronnaud (2007)

2. Un Prophète, Jacques Audiard (2009)

3. OSS 117 – Le Caire, nid d’espion, Michel Hazanavicius (2006)

Je vous remercie une nouvelle fois, je vous dévoilerai prochainement le top 10 du Cinéma du Spectateur.

La Cinquième Saison : Vicieuse Beauté

La Cinquième Saison, Peter Brosens, Jessica Hope Woodworth

Peter Brosens et Jessica Hope Woodworth se confrontent aux périlleux exercices du film apocalyptique : un genre qui charrie aussi bien des œuvres fascinantes, comme chez Ferrara (4h44, 2012), que des blockbusters insipides et répétitifs. Le couple de cinéastes belges utilise ingénieusement le fantastique comme point de bascule d’une impitoyable dégringolade dans le chaos. Le synopsis est déjà alléchant avec ce printemps qui ne vient pas sur une petite communauté rurale. Si ce dérèglement est la conséquence des actions humaines – « nous jouons avec les saisons » prononce le personnage de Pol (Sam Louwyck) –, La Cinquième Saison n’est pas une énième satire écologiste de plus. L’œuvre tient plutôt de la tragédie divine où la nature, véritable Dieu ex-machina, répond par des actions bibliques : les abeilles ne voleront plus, les oiseaux choiront sur le sol, les poissons morts descendront les rivières et les arbres tomberont. Elégie bucolique ou poème mortifère, l’œuvre ne cherche pas des réponses à son postulat fantastique mais seulement à assister à cette spirale funeste qui pousse les hommes à se retrancher dans un instinct de survie aussi bien animal que social.

La Cinquième Saison, Peter Brosens, Jessica Hope Woodworth

La Cinquième Saison est une fable rurale dans laquelle des personnages-types forment à l’échelle de ce village le prototype d’une société entière. La crise écologique distribue les rôles avec ces épiciers qui se transforment en bourgeois contrôlant la vie de la communauté en contrôlant la nourriture, Pol qui endosse le costume à double tranchant de sage et d’étranger ou encore Alice (Aurélia Poirier, impressionnante révélation) et Thomas (Django Schrevens) symbolisant encore l’innocence de la sortie de l’enfance. Dès l’ouverture, les deux adolescents répondent en échos aux saynètes absurdes du coq Fred. Si le discours ne passe plus entre l’homme et l’animal quand le premier tente de domestiquer le second, il fonctionne encore de manière symbiotique en associant les chants des oiseaux et ceux de ce couple choisissant la forêt comme écrin à leur amour secret. Néanmoins, l’horreur de la situation pousse cette osmose amoureuse à se déliter sans renier son ambition de faire renaître le sublime des tragédies : Thomas s’unit avec la nature pour la sauver tandis qu’Alice se retourne vers les hommes pour survivre.

La Cinquième Saison, Peter Brosens, Jessica Hope Woodworth

Peter Brosens et Jessica Hope Woodworth questionne l’homme en reprenant la logique antithétique de Karl Marx selon laquelle l’homme est un animal civilisé ayant remplacé l’instinct par la culture. Jamais aucun habitant du village de La Cinquième Saison ne s’interroge sur sa possible responsabilité dans le désastre et préfère y répondre par des faits sociaux montrant sa propre faiblesse comme la xénophobie dont sont victimes Pol et son fils, leur seul tort résidant dans une coïncidence. Chez les cinéastes belges, ce n’est pas seulement la nature qui dépérit mais aussi la société des hommes. Avec l’habileté scénaristique qui les caractérise et qui privilégie l’ellipse, Brosens et Woodworth établissent une graduelle tombée dans l’extrémisme sectaire. D’abord plutôt athéiste avec des réminiscences plutôt traditionnelles (le carnaval), le village se retourne vers le divin comme la famille d’Alice qui se raccroche à un Christ cloué dans la cuisine ou à des bénédicités. Sans réponse, cette microsociété cherche alors le pardon dans l’animisme en bénissant les arbres. Dans un climat appauvri et désespéré, c’est le paganisme qui triomphe avec ces masques signifiant l’appartenance au groupe et donc le renoncement à l’identité individuelle. Les traits humains disparaissent pour laisser place à nouveau à des bêtes violentes et meurtrières faisant régner la loi du plus fort. La Cinquième Saison se clôt sur le passage d’un troupeau d’Autruches : symbole du refus de réalité et de l’animal collectif qu’est redevenu l’homme.

La Cinquième Saison, Peter Brosens, Jessica Hope Woodworth

La Cinquième Saison est intéressante également parce qu’elle allie l’intelligence du scénario à la maîtrise de l’image. Brosens et Woodworth insufflent un lyrisme funeste qui manquait cruellement à un cinéma qui tend de plus en plus vers la pâle copie du réel. Ils offrent aux spectateurs des parenthèses visuelles saisissantes montrant la beauté froide et morbide de la nature. Avec la temporalité si particulière de leur œuvre, ils renouent avec la temporalité même de la nature prenant parfois son temps et s’exaltant dans la passion à d’autres moments. Leur caméra virtuose semble alors se glisser dans le vent par ses mouvements lents et imperceptibles qui guident l’œil du spectateur vers les infimes détails de cette régression humaine. Alliant l’art du cadre et du montage, les cinéastes belges apportent un cynisme sans condescendance. Ils parviennent à donner la sensation paradoxale et ironique que c’est la nature justement qui regarde l’homme mourir à son tour.

La Cinquième Saison, Peter Brosens, Jessica Hope Woodworth

La Cinquième Saison est un chef-d’œuvre marquant la possibilité d’allier l’intelligence de l’écriture à la beauté formelle. Peter Brosens et Jessica Hope Woodworth redonne la foi en un cinéma qui n’est pas uniquement la simple captation d’un réel misérabiliste et social mais plutôt la mise en place d’une mythologie propre à l’image.

Le Cinéma du Spectateur
☆☆☆☆☆ – Chef d’Oeuvre

Magnifica Presenza : Une enveloppe vide

Magnifica Presenza, Ferzan ÖzpetekIl n’y a finalement pas plus ardu à mettre en scène que le genre fantastico-réaliste. Si l’épreuve est périlleuse, c’est que le réalisateur doit dans un contexte contemporain réel amener un évènement surnaturel qui doit pouvoir être vraisemblable, chose qu’il n’est pas par nature. Pour son film, le réalisateur italiano-turc Ferzan Özpetek choisit en toile de fond une Italie coloré touché néanmoins par la crise (logement, demandeurs d’emploi). Mais, ici pas de critique ou de constat de la société. Ce sont les péripéties de Pietro, jeune sicilien homosexuel partant à Rome pour devenir acteur, qui prédominent. Il achète une ancienne maison, vestige de l’aristocratie pro-Mussolini, dont le faible prix s’explique par les fantômes qui y habitent. Information qu’il ignore et qui amène sans doute les seules bonne séquences puisque Özpetek utilise autant qu’il ironise les codes du genre. Cependant, l’incursion dans le surnaturel ne semble finalement n’être qu’un gadget scénaristique pour un réalisateur superficiel. Pas de nouveauté, et donc de la fadeur, dans un film qui n’arrive pas à atteindre ni humour (le ronflement n’étant pas le summum de la finesse), ni onirisme. Le projet est pourtant ambitieux, et on sent l’influence d’Almodovar (dont les serveuses du café sont des pâles copies de l’univers du cinéaste espagnol) qui était parvenu à la maestria avec Volver (2006), drame familiale teinté de surnaturel.

Magnifica Presenza, Ferzan ÖzpetekL’autre incompréhension du film se situe autour de l’homosexualité du personnage principal. Ferzan Özpetek s’est fait, par le biais de son cinéma, un porte-parole de l’homosexualité en Italie dont son dernier film (grand succès en Italie), Le Premier qui l’a dit (2010), se penchait sur la question de l’annonce au sein de la famille. Il s’inscrit alors une nouvelle fois dans la veine du cinéma d’Almodovar mais sans jamais donner une légitimité à cette caractéristique. Magnifica Presenza ne dispose d’aucun traitement de l’homosexualité. Questionné sur l’orientation sexuel de son personnage, Elio Germano tombe alors dans le cliché justifiant cela par le fait qu’il dispose ainsi d’une sensibilité plus importante qui lui permettrait de mieux croire à ce qui se passe devant lui. Sans le génie d’un Xavier Dolan (Laurence Anyways), Ferzan Özpetek plonge dans le milieu transsexuel au cours d’une scène (celle de l’Abbesse) tape-à-l’œil et dont l’inutilité n’a d’égale que la force des clichées qui y sont présent. Une phrase du film m’a d’ailleurs choqué : « Si je crois en moi, je peux bien croire aux fantômes » dira un personnage secondaire (insipide) tailleur de pierre le jour et travesti la nuit. Ce jugement si violent sur la condition des travestis donne l’impression de retourner à l’époque de la différence sexuelle comme maladie mentale. Une faute pour un cinéaste qui semble pourtant investi par son cinéma. 

Magnifica Presenza, Ferzan ÖzpetekMagnifica Presenza, outre son côté conventionnel de dénonciation de l’homme-traître prêt à tout pour un peu de gloire, dispose cependant tout de même d’un discours intéressant et bien mené sur l’évolution de la figure de l’acteur. Se retrouve face à face dans la maison, une troupe de comédiens issus de l’âge d’or du théâtre et Pietro souhaitant devenir acteur dans une situation audiovisuel bouché. Comme dans le milieu du travail, c’est la « surqualification » des acteurs que Özpetek met habilement en scène dans un plan séquence savoureux dans lequel Pietro passe une audition pour une publicité de savon dans laquelle il doit passer par toutes émotions. Des acteurs demi-dieux des années folles, il ne reste rien pas même l’aura de la figure de l’acteur. Pietro est un simple bout de viande interchangeable qui perd son identité, les directeurs de casting changeant son nom. C’est également l’évolution de la façon de jouer qui est mis en avant faisant de la troupe des comédiens plus près du mime ou de la force que du cinéma.  

Magnifica Presenza, Ferzan ÖzpetekCependant, ce discours ne permet pas au film de décoller. Magnifica Presenza est finalement aussi consistant qu’un fantôme. Ferzan Özpetek passe à côté de son film. 

Le Cinéma du Spectateur

☆✖✖✖✖ – Mauvais

Belle de Jour : La Dernière des Romantiques

Belle de Jour, Luis BunuelAvec Belle de Jour, Luis Buñuel s’offre l’apothéose de la frustration sexuelle. Séverine (Catherine Deneuve) devient le symbole de la filmographie du tendancieux cinéaste  espagnol : alliant beauté, faille, bourgeoisie et perversion. Obnubilé par la question du désir – d’autant plus celui inavouable –, Buñuel réduirait-il son personnage à ses fantasmes en l’asservissant à ses troubles ?

Belle de Jour, Luis BunuelL’insatisfaction sexuelle de Séverine, résultant d’un attouchement durant son enfance que Buñuel évoque succinctement au détour d’un songe, est paradoxale. S’oppose ainsi une vie réelle dans laquelle elle repousse les avances d’un mari qui par un comportement de gentleman bourgeois tend vers la niaiserie, et les désirs enfouies à la limite du masochisme dans laquelle son corps est malmené. Cependant au-delà de la perversion, Séverine apparaît comme la « dernière des Romantiques ». Peuplant ses fantasmes de landaus et de châteaux, elle se place au sein même des codes de l’amour courtois des récits chevaleresques. N’est-ce pas pour son honneur et son désir que se battent Pierre (Jean Sorel) – le prince (trop) charmant – et Henri (Michel Piccoli) – l’envoûtant cavalier noir – pendant qu’elle est attachée à un arbre comme l’objet de convoitise qu’il faut sauver ?  Elle endosse même au détour d’un de ses délires de plus en plus ancré dans la réalité le costume mortuaire d’un Comtesse. A la manière d’une Bovary ne pouvant plus distinguer réel/fantasme, elle se refuse le rôle de Marquise auprès d’un des clients de chez Madame Anaïs ne pouvant jouer un rôle d’elle-même. 

Belle de Jour, Luis BunuelSéverine se retrouve également dans le romantisme allemand dont elle partage les sentiments à vifs et la place du « moi ». C’est seule qu’elle semble toujours avancer, se souciant peu des gens qui l’entourent et finalement se servant des autres pour répondre à ses fantasmes intérieurs. Chez Madame Anaïs, elle choisit en quelque sorte les clients et inverse alors la logique de la prostituée. Pour ça, elle se montre soit frigide et farouche, soit câline et avenante. Séverine cherche finalement à travers ses fantasmes à vivre une passion issue d’un imaginaire enfantin de l’amour fusionnel. Ainsi, si son corps est malmené dans ses fantasmes, c’est pour répondre à cette quête de fougue et de désir brutal. Elle tente de percer la façade de l’aristocratie, ce qu’elle entrevoit chez Henri et ce qu’elle trouve dans la rudesse de Marcel (Pierre Clémenti), son amant. 

Belle de Jour, Luis BunuelBelle de Jour, pseudonyme aux airs de conte de capes et d’épées, est donc comme la bête des passions qui sommeille dans le ventre de Séverine pour rependre l’image platonicienne du désir. S’oppose ainsi clairement ce qu’elle vit (Séverine) et ce qu’elle voudrait vivre (Belle de Jour). Belle de Jour devient alors une œuvre initiatique, celle du corps. Si Buñuel trouve un écho plus favorable à ses perversions chez la Bourgeoisie, c’est parce que il y trouve l’hypocrisie des conventions qui se délie au sein de la chambre et dont les domestiques sont alors les témoins muets. Belle de Jour dévoile ainsi les limites des conventions puisque l’individu ne s’explique non pas par un ensemble de règle de savoir-vivre mais par ses désirs et ses pulsions. Si Séverine semble plus « vraie » et même plus heureuse lorsqu’elle prend part au bordel de Madame Anaïs, c’est parce qu’elle met en adéquation ce qu’elle est profondément et ce qu’elle doit être. La prostitution est dont l’éducation du corps, et donc de l’homme véritable. En schématisant, elle s’ouvre au monde de la manière qu’elle ouvre ses cuisses. 

Belle de Jour, Luis BunuelSulfureux, Belle de Jour tient sa réussite du regard que porte Luis Buñuel sur ses personnages. Ne les jugeant pas et n’usant d’aucune morale, le cinéaste dévoile progressivement ses personnages en ne privilégiant aucun manichéisme. Pas de mauvais, pas de bons. Chaque personnage dispose, comme finalement dans la réalité, d’une part d’ombre souvent cachée. Le jugement ne vient donc pas des spectateurs conquis à la beauté de Catherine Deneuve, mais des personnages qui jugent avec le poids de leur propre défaut perdant ainsi une légitimité. 

Le Cinéma du Spectateur

Note : ☆☆☆☆☆ – Chef d’Oeuvre

Ma Meilleure Amie, sa soeur et moi : Chronique de « Boulets »

Ma Meilleure amie, sa soeur et moi, Lynn Shelton

Projection Presse – Critique Ouverte

La comédie américaine est une institution, le faire valoir d’un cinéma-divertissement. Une attraction qui ne mérite pas d’avoir un fond du moment que le spectateur fait travailler ses zygomatiques. Il faut alors remercier Lynn Shelton, réalisatrice de Humpday (2009), de parvenir à faire d’une comédie une leçon de vie et de cinéma. Ma meilleure amie, sa sœur et moi est bien plus intéressant que son titre le laisse présager. Certes il y a quelques maladresses, mais Lynn Shelton parvient à « cerner la vérité de l’instant » comme le dit Rosemarie Dewitt, l’interprète d’Hannah, dans une interview. Elle parvient avec énormément de talent à retrouver les failles humaines et à créer à partir de ses personnages-« boulets » (comme le dit Iris, Emily Blunt) des situations vraisemblables et cohérentes. Il est rare de regarder un film qui ne paraît pas jouer mais vécut et ainsi de se laisser prendre au jeu non pas dans un rôle de spectateur mais dans le rôle d’un ami omniscient partageant l’aventure. 

Ma Meilleure amie, sa soeur et moi, Lynn SheltonSe plaçant comme le disciple de John Cassavetes pour qui « tout dans un film doit trouver son inspiration dans l’instant », Lynn Shelton doit la fraîcheur et l’authenticité de son œuvre à sa méthode de travail prônant l’improvisation. Si le trio Duplass/Dewitt/Blunt paraît si réel et si naturel, c’est que l’acteur occupe une place prépondérante dans le travail de création de son personnage. Pas de dialogue écrit à apprendre, le personnage se crée dans l’instant après la création de son passé, de sa vie et de son caractère par la réalisatrice et l’acteur concerné. L’improvisation est peut-être finalement ce qu’il y a de plus abouti dans l’incarnation d’un personnage car au lieu de le mimer, il faut anticiper ses réactions et le faire vivre à travers son corps et ses tripes. Si Mark Duplass est un habitué de l’improvisation, Rosemarie Dewitt et Emily Blunt étincellent pour leur premier pas. Rosemarie Dewitt – souvent reléguée au second rôle chez Gus Van Sant, Jonathan Demme ou dans de nombreuses séries – dévoile une nouvelle fois son talent à la diction si particulière. 

Ma Meilleure amie, sa soeur et moi, Lynn SheltonIl est difficile de savoir si Ma meilleure amie, sa sœur et moi est bel et bien une comédie tant le mélange de genres qu’opère Lynn Shelton est réussi. L’humour du film repose sur l’ironie tragique que le spectateur a entre ses mains : il se délecte ainsi des secrets, des situations cocasses et des dialogues à double sens. Jamais la réalisatrice ne tombe dans le gag futile ou dans un comique de situation appuyé. C’est l’art des dialogues et de la répartie qui décroche le rire. 

Ma Meilleure amie, sa soeur et moi, Lynn SheltonCependant, l’œuvre est parcouru de nombreuses ruptures de ton qui font finalement basculer le film sur une pente plus psychologique et plus dramatique. Ce huit clos forestier se penche sur les failles humaines et sur l’importance des dynamiques qui lie les hommes : la famille à travers la double fratrie, l’amitié, l’amour. Lynn Shelton écrase les frontières pour faire de ses personnages des sortes de passeurs transgressant parfois la morale mais qui ne cherche qu’à pallier la solitude et la mort. C’est sans doute pour cela que le triangle se forme autour d’un bébé (au conditionnel), symbole de la vie et du renouveau. Aucun des trois ne se voilent la face et ne tombe dans des comportements clichés et faux. La scène d’ouverture célébrant la première année du décès du frère de Jack est significative puisque Jack refuse en quelque sorte la banalité des discours de deuil dans lesquels les morts sont sanctifiés, mais il se révolte aussi de voir que son frère il ne peut le décrire que par l’enfance et non plus par ce qu’il était devenu. C’est dans ce paradoxe intéressant que commence le film et qui laisse présager la finesse psychologique du travail de Shelton.  

Ma Meilleure amie, sa soeur et moi, Lynn SheltonSi le film se clôt dans une sorte d’happy-end exagéré et improbable, Ma meilleure amie, sa sœur et moi est une bonne surprise. Une petite douceur de laquelle se dégage un regard sur l’homme comme « un vaisseau cabossé » (Cornel West). 

Le Cinéma du Spectateur

Note : ☆☆☆✖✖ – Bien

Before Midnight : Péroraison amoureuse

Before Midnight, Richard LinklaterAvec Before Midnight, Richard Linklater approfondie et clôt son étude de la vie de couple. De son œuvre se dégage finalement non pas forcément l’idée romantique des âmes sœurs, mais plutôt une sorte de fatalité amoureuse. Céline (Julie Delpy) et Jesse (Ethan Hawke) sont destinés à vivre une histoire malgré la rencontre furtive de Before Sunrise (1995), la vie les rattrape et les unit dans Before Sunset (2004). Before Midnight, en dernier volet de la trilogie sentimentale de Linklater, se focalise alors sur ce basculement qui fait que l’amour devient famille, et qu’aimer rime avec routinier. « C’est le début de la rupture » clame d’ailleurs Julie Delpy lors d’un long plan séquence au début du film donnant le ton au règlement de comptes et aux vieilles rancœurs emmagasinées durant les 9 ans qui ont fait de ce couple un ménage avec enfants. Cependant en gardant sa logique de « fin ouverte », le réalisateur américain ne clôt pas une histoire et laisse au spectateur le choix romantique et idéalisé du maintien du couple ou plutôt une logique de mettre la poussière sous le tapis qui fera exploser leur histoire plus tardivement.

before-midnightBefore Midnight, Richard LinklaterBefore Midnight n’est finalement pas une comédie romantique, mais plutôt un questionnement sur les relations hommes/femmes. Richard Linklater donne alors à chacun le rôle que la société souhaite lui donner : Céline s’occupe des enfants face à un Jesse, écrivain, absent et ne réussissant pas à occuper une place de père au sein de sa « deuxième » famille obsédé par les séquelles d’un premier mariage. Plus de romantisme et plus de séduction face à un être acquis : « je voulais que tu dises un truc romantique, et tu as tout foiré » définit bien cette perte de l’attention et de la recherche du mot qui plaît. La vie de famille n’est pas idyllique mais parvient seulement à occuper l’esprit empêchant alors de poser un regard critique sur un couple qui se perd et qui s’éloigne. Le temps à deux ne sera qu’un moyen de régler des comptes loin des enfants unificateurs. 

Before Midnight, Richard LinklaterSi Richard Linklater place son dernier chapitre en Grèce, ce n’est pas par pure envie de dépaysement. En effet, l’idée d’un amour éternel et des âmes sœurs se range au côté des mythes et des légendes qui parcourent le pays. La perte des croyances entraîne également une autre vision du couple. La grand-mère de Jesse et son couple de 74 ans paraît aberrant et presque impossible de nos jours. Dans une société prenant l’individualisme et la liberté, le divorce est complètement dédramatisé. Comment croire en la pérennité et la stabilité de l’amour lorsqu’un mariage sur deux finit par un divorce. L’amour, c’est finalement ce qui se rattache au passé : la rencontre, les premiers temps. C’est d’ailleurs la doyenne de la table qui décrira le mieux l’amour avec un grand A signifiant qu’il disparaît et qu’il n’est plus en adéquation avec notre société. En opposition se dresse l’amour naissant d’Anna (Ariane Labed) et d’Achilleas (Yannis Papadopoulos) : amour virtuel. La tablée se penche alors sur le devenir des relations humaines enclin à devenir de plus en plus virtuelles. L’amour véritable et passionnel serait-il mort ? 

Before Midnight, Richard Linklater

Si Before Midnight jouit d’une alchimie Delpy/Hawke et d’une fluidité de dialogues ciselés, il finit par s’enliser suite à son immobilisme : Linklater abuse du plan-séquence qu’il ponctue parfois par une alternance bien trop sage de champs/contre-champs. Sans prise de risque formelle, Before Midnight tend à devenir un peu bavard et à tomber parfois dans la gratuité d’un discours pseudo-sexuel qui finit par faire croire que le teenager américain n’est finalement que Richard Linklater. Un peu trop théâtral, Richard Linklater ne parvient pas à cerner la vérité de l’instant ou à faire basculer son récit dans une réelle pensée sur le couple : tout paraît comme millimétré, engoncé dans un mise en scène molle.

Souhaitant sans doute réaliser son Scènes de la vie conjugale (Ingmar Bergman, 1974) à lui, Richard Linklater se perd un peu dans les problèmes qui font parfois défaut au cinéma de Woody Allen. Choisissant une fausse légèreté, Before Midnight est comme une brise : douce, mais qui passe sans qu’on y fasse véritablement attention. 

Le Cinéma du Spectateur

Note : ☆☆✖✖✖ – Moyen