Prometheus: La Reproduction du Déjà-vu

Ridley Scott est un réalisateur complexe. Son oeuvre montre une profonde dualité.  Il y a deux Ridley Scott complètement différents dont les deux modes de traitement visuel sont sans aucun atome crochu, et parfaitement hermétique l’un envers l’autre. D’un côté, le cinéaste récompensé, et parfois acclamé, avec des films dramatiques dérivant de plus en plus vers le film de cape et d’épée façon Blockbuster. De l’autre, le réalisateur qui a (re)créé un cinéma de science-fiction exigeant en mettant au centre de son oeuvre la claustrophobie, l’angoisse de l’inconnu, l’avancée dans le flou. C’est cette ignorance qui entraîne les comportements qui dirigent ses films: la curiosité sera plus forte que la mort. Une seule chose unit cependant les deux cinémas de Ridley Scott: une volonté de recréer des époques, des cultures, des modes de vie. Et c’est pour cela que son oeuvre mise une grande partie de sa réussite sur la direction artistique. « Prometheus » n’échappe pas à la règle: Ridley Scott  (à travers Arthur Max, son chef décorateur) crée lui-même une civilisation, n’oubliant aucun détail (langage, art), dans laquelle l’obscurité est reine et le noir se nuance de métal ou de pétrole. Si nous sommes le peuple de la lumière (l’omniprésence du blanc dans le vaisseau Prometheus), eux seront engloutis par les ténèbres de leur propre civilisation.

Prometheus, Ridley Scott

« Prometheus » marque le grand retour du cinéaste vers la Science-Fiction. Et pour réussir son opus, Ridley Scott s’approprie toutes les valeurs sûres du genre. Conséquence, « Prometheus » perd toute individualité. Il ne fait que partie des films de genre assez banals. Scott ne révolutionne plus la Science-Fiction avec des trouvailles techniques et scénaristiques: il réchauffe ce qui fonctionne (assurément) sur le public venu pour trembler, se cacher les yeux. Le point de vue subjectif des caméras pour une mise en abyme du rôle de spectateur, pour que ce dernier se sente encore moins capable d’intervenir, pour amplifier sa passivité et l’horreur d’assister à des morts en direct. Et le pire dans tout çà, c’est que Ridley Scott ne pousse pas le vice jusqu’au bout, pourquoi revenir au point de vue objectif lors de l’attaque, pourquoi ne montrer que l’angoisse des personnages ? L’originalité de l’oeuvre nous trouble encore lorsqu’il reprend ses propres thèmes: héberger en son propre corps l’ennemi, une des plus grandes trouvailles de Scott, malheuresement, Noomi Rapace n’est autre qu’un double de John Hurt (Kane dans « Alien ») qui a déjà endossé ce rôle … 32 ans auparavant. Enfin, Michael Fassbender est l’extension du HAL 9000 de Stanley Kubrick dans « 2001: l’Odyssée de l’Espace ». Mais cette version humanoïde perd la puissance d’un simple cercle de lumière rouge. Les actes de HAL 9000 sont imprévisibles car aucune identification n’est possible. Sa froideur est implacable, on comprend que l’homme n’a aucune emprise sur lui. Michael Fassbender apparaît plus comme un homme psychorigide qu’une véritable menace. Ridley Scott copie mais ne surpasse jamais, il prend les effets mais néglige de les entretenir, de les pousser à leur paroxysme.

Prometheus, Ridley Scott

Une autre remarque montre ce sentiment de ne pas aller au bout des choses, mais cette dernière pourrait s’avérer fausse dans la suite prévu à « Prometheus ». Ridley Scott pose avec ce film un questionnement intéressant sur les origines de l’Homme. Qui nous a créé, pourquoi sommes-nous là, Dieu existe-il ? Mais si la sujet intéresse, il n’est aucunement traité. Il n’amène aucune réponse aux questions de ses propres personnages. La Science-Fiction n’est pas intellectuelle, elle dérive peu à peu vers le Blockbuster pur et dur. Sans doute que le bruit des cris, de la taule déchirée ne nous permette pas d’entendre les pistes apportées par le réalisateur. Et si Dieu, ce n’était tout simplement pas lui ? Il est bien celui qui permet la vie fictive des acteurs. Ridley Scott crée une image, mais ne crée pas de contexte. Il interroge dans le vent. Mais les réponses seront sans doute présentes dans le deuxième opus qui donne l’eau à la bouche rien que par son nom: « Paradis ». Espérons que le scénario ne dérive pas à la sur-enchère de l’angoisse, encore une fois.

Le Cinéma du Spectateur

Note: ☆☆ – Moyen

To Rome With Love: Quantité ou Qualité ?

Woody Allen s’est toujours placé dans le rôle du génie incompris, sauf que dans son cas, ce n’est pas le reste du monde qui ne le comprend pas, mais lui-même. Cette posture psychologique face à son propre art lui a toujours permis d’éviter les foudres de la presse qui reçoit ses films en chefs d’œuvre ou tièdement. Mais, il est certain que Woody Allen est en train de couler. Son radeau esquissé par « Minuit à Paris » ne fonctionne finalement pas. Sans doute que l’air parisien lui sied mieux que celui de Rome. Depuis « Match Point » en 2005, film étonnant dans sa filmographie, Woody Allen se perd dans un voyage européen qui s’éternise. Il est le cinéaste de la ville, le cinéaste de la classe bourgeoise d’un New-York dont il est l’âme. Mais, le Woody Allen globe-trotteur ne rassemble dans son sac à dos que les mauvais côtés de son cinéma. Certes, il a toujours des éclairs de génie: le rôle de Pénélope Cruz dans « Vicky Cristina Barcelona » (le seul grand rôle de l’actrice non-écrit par Almodovar), l’alter-égo d’Allen dans « Whatever Works »… Mais son cinéma est devenu bavard. On peut dire qu’Allen a toujours été le cinéaste des dialogues, le scénariste de la parole. Mais, le contenu n’est plus. Il reste seulement un assemblage de phrases creuses. Où est passé l’humour si spécial de l’auteur ?

To Rome with Love, Woody Allen

Pour palier sa vision péjorative de sa filmographie, Woody Allen a toujours dit qu’il privilégiait la quantité à la qualité, en espérant que dans le tas, un ou deux films seraient réussis. Mais, vu les chefs d’oeuvre qu’il laisse derrière lui, ne devrait-il pas maintenant prendre le temps de faire des films aboutis. « To Rome With Love » donne l’impression d’être un film fait à la va-vite. Le réalisateur ne se pose pas sur la ville de Rome, il la survole seulement. Il n’apporte qu’une vision superficielle de Rome et de ses habitants. Les clichés pleuvent sur Rome, les monuments à voir sont vus. Mais dans tout cela, Woody Allen ne crée rien. Certains se plaignaient du côté carte postal du Paris allenien, mais que diront-ils alors du Rome qu’il dessine ?

To Rome with Love, Woody Allen

« To Rome With Love » montre le nouvel amour du cinéaste pour le film choral. Sauf que l’intérêt du film choral ne réside qu’uniquement dans l’entrelacement des histoires. « Babel » de Alejandro Gonzales Inarritu n’aurait certainement pas la même saveur si les histoires n’étaient pas relier par la vente d’un fusil des années auparavant. « To Rome With Love » n’est alors qu’un banal film à sketchs. Woody Allen aurait du moins éparpiller son scénario dans la futilité de certaines histoires: la partie avec Benigni est si mauvaise que sa présence à l’écran en devient agaçante, l’inutilité du rôle de Alec Baldwin dans le segment Eisenberg-Page. Mais l’esprit de Woody Allen perce quand même de temps à autre le brouillard qui s’abat sur son film. Le Segment Eisenberg-Page rappelle le trio amoureux de « Vicky Cristina Barcelona » sans folie meurtrière, le côté doux et soft. N’oublions pas également la partie qui marque le retour en tant qu’acteur de Allen. C’est dans cette partie que ressort l’absurdité comique qui parcourt certains films de son oeuvre. Sa frénésie, son débit de parole, et les travers de son personnage sont le charme même des scénarios alleniens. Cependant, les moments de répit dans la lourdeur de « To Rome With Love » sont bien trop minces pour oublier les défauts et les ficelles (si visibles) de ce film touristique.

Il ne reste plus qu’une chose à faire pour sauver le cinéma de Woody Allen: lui offrir un billet pour New-York.

Le Cinéma du Spectateur

Note: ✖✖✖✖✖ – Nul

Faust: Splendeur et Virtuosité

68e Mostra de Venise (Compétition)
Lion d’Or

« Il y a des films qui vous changent pour toujours, Faust est l’un de ces films » disait Darren Aronofsky en remettant le Lion d’Or de la 68e Mostra de Venise à Alexander Sokurov. Comment être moins dithyrambique sur le travail d’un réalisateur. Faust devient alors un film immortel – Sokurov a laissé son empreinte sur le monde. Aronofsky a raison de rapprocher Faust  de ces films qui vous changent. Ce film s’inscrit dans la lignée de ces films qui se voient au cinéma, mais qui se comprennent et surtout se savourent dans les méandres de notre pensée. Ce genre de films marque car nous avons en quelque sorte une deuxième projection, mentale celle-là, dans laquelle nous prenons ce qui nous a plu et oublions les moments d’incompréhension à la limite de l’ennui.

Faust, Alexandr Sokourov

Sokurov se place en défenseur du cinéma. C’est grâce à des films comme le sien que l’on comprend l’appellation de « 7ème art ». Il fait partie de ces réalisateurs-peintres, dont le maître incontesté est la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion. Faust  ne se regarde pas, il se contemple. Il suffit de voir la composition des plans de Sokurov. Chaque détail est à voir. Les lignes fuient, les objets racontent des histoires, les personnages se meuvent pour donner un esthétisme à ces corps. Mais contrairement à Campion, Sokurov ne trouve pas la beauté dans la beauté (rappel: la végétation omniprésente dans les films de Jane Campion – de « La Leçon de Piano » à « Bright Star ») mais dans le difforme, dans la misère. C’est un esthétique de la laideur, du grotesque. Méphistophélès devient le reflet d’un personnage de Todd Browning (« Freaks, la Monstrueuse parade » – 1936), croise le John Merrick de Lynch. Mais rien ne repousse le spectateur. La beauté du morbide a cette capacité d’envoûtement que le véritable beau ne possède pas ou rarement. C’est l’arrivée du personnage de Margarete qui apporte au film la lumière, la beauté. Sa beauté divine sera la ruine. Le beau engendrera le laid visuel, mais aussi spirituel (la désolation, la servitude).

Faust, Alexandr Sokourov

« Faust » est une oeuvre majeure pour une autre raison. C’est l’essence même du cinéma qui s’y trouve. Sokurov est le cinéaste de tous les genres qu’il mélange avec force pour former un nouveau genre, le sien. « Faust » n’est autre qu’une romane en costumes sur fond de fantastique avec une approche expérimentale du cinéma. Dans la veine des réalisateurs russes du cinéma muet tel Eisenstein, la force vient de l’image. Sokurov déforme ses plans comme pour nous montrer que son art vient d’ailleurs, que le mal touche même l’écran, tente d’en sortir. Les déformations changent notre perception de cette réalité dans laquelle nous devons croire. Et montre également que tout n’est qu’illusion, artifice. Et cela n’est-il pas le principe même du cinéma ? « Il y a des films qui vous changent pour toujours, Faust est l’un de ces films ».

Le Cinéma du Spectateur
☆☆☆☆☆ – Chef d’Oeuvre

Sur la Route: Du littéral au visuel

Walter Salles savait qu’il serait attendu au tournant en adaptant le roman de la « Beat generation ». Son entrée dans la compétition cannoise et une bande-annonce réussie laissaient croire que l’esprit de Kerouac avait été retrouvé. Mais, il faut savoir que Kerouac n’a pas écrit un simple ouvrage. « Sur la Route » est le manifeste d’une Amérique qui prospère, qui se retrouve au paroxysme de sa puissance après les deux guerres mondiales. Cela entraîne un changement des consciences: ces héros de papier veulent seulement vivre, ou plutôt jouir de la vie (sexe, alcool, drogue, musique, ne pas réfléchir aux conséquences). Une seule règle les dirige: aucun attachement matériel ou géographique. Il faut vouloir prendre la route, écouter son appel et vivre, dans la misère parfois. La sensation est reine.
Le réalisateur brésilien ne réalise pas un mauvais film (certes un peu long), il oublie juste l’esprit de Kerouac. Si l’on ne prend ce film non en tant qu’objet à part, mais en tant qu’adaptation du roman, il est raté. Son problème ne réside pas dans sa réalisation, ses acteurs, ou sa qualité plastique (réussie). Il réside dans le fond même.

Sur La Route, Walter Salles

« Sur la Route » n’est plus, d’abord, le symbole de la route. Walter Salles transforme les espaces de Kerouac pour les amener vers un confinement qui ne sied guère. Les personnages déambulent dans une succession d’endroits clos, perdant toute liberté, toute capacité de mouvement. Salles les paralysent, les enlisent dans l’Amérique qu’ils essaient justement de fuir, celle des conventions, celle des biens matériels. La route n’est plus le personnage central, c’est la voiture qui prend le relai. Et c’est encore une fois le confinement qui rapproche ces corps entassés dans la taule. Ils ne sont plus guidés par cette envie de partir.

Sur la route, Walter Salles

De plus, Salles cherche (intelligemment) à retrouver le caractère subversif qu’a eu le roman lors de sa parution en 1957. Mais le monde a bien changé, et les moeurs sont largement moins farouches. La seule solution pour Salles est de ne s’attacher qu’à la drogue, qu’au sexe. « Sur la Route » version 2012 n’est alors qu’un raccourci stérile de l’oeuvre de Kerouac devenant un Best-Of des scènes érotiques, et des prises de substances. Bien sur qu’elles parsèment le roman, mais elles ne sont que le moyen d’expression de leur sentiment. Salles place la périphérie au centre, perdant l’intérêt et la perspicacité de Kerouac.

Sur la Route, Walter Salles

Enfin, Salles n’a pas la finesse psychologique de Kerouac. Kerouac a le génie de donner du réalisme dans des personnages loufoques, extravagants. Le plus bel exemple réside dans le personnage de Jane (joué par Amy Adams). Salles en fait une folle (attention, cela est souligné par le fait qu’elle ne soit pas peignée – la folle est toujours ébouriffée) si peu crédible qu’il y perd son propos. Le seul personnage réussi est celui de Camille (Kirsten Dunst) puisqu’elle montre son désaccord avec la façon de vivre de Dean (présente dans tous les personnages du roman). Elle montre l’ambiguité car c’est la séduction de la différence qui l’a poussée à cette lassitude destructrice. Son personnage est l’âme de l’oeuvre originelle.

« Sur la Route » était jugé inadaptable, Walter Salles le confirme.

Le Cinéma du Spectateur

Note: ☆☆✖✖✖ – Moyen

Le romancier Beigbeder s’essaie au cinéma: coup médiatique ou réussite cinématographique ?

L’écrivain porte à l’écran son propre roman « L’Amour dure trois ans ». Dans cette oeuvre d’inspiration autobiographique, il suit les mésaventures amoureuses d’un chroniqueur mondain du nom de Marc Marronnier. Mais Beigbeder se vend comme le « hipster » ultra-branché qu’il se dit être. Mais finalement, est-il véritablement un auteur à part entière ? Change-t-il vraiment les choses, les codes déjà en vigueur ? Son arrivée dans le milieu du cinéma est-elle une réussite ou un échec ?

L'Amour dure trois ans, Frédéric Beigbeder

A la lecture du synopsis, on voit déjà se dessiner les prémices de la comédie romantique assez banale. Une déception face à l’amour, la désillusion amoureuse, et puis PAF! l’être aimé apparaît. Comme c’est beau – et cliché. Mais bon, on se dit: « C’est Beigbeder, l’homme qui fait tout, donc il va jouer de son statut de comédie romantique, il ne peut tomber si facilement dans ce genre ». Et bien si, s’il ne s’écarte que par des pseudo-phrases chocs, il recentre son sujet dans la banalité de l’amour au cinéma, happy end à l’appui.

L'Amour dure trois ans, Frédéric Beigbeder

Mais ce qui sans doute est le plus agaçant dans ce film, comme l’oeuvre entière de son auteur, c’est cette propension à vouloir se donner un rôle – celui du je-m’en-foutiste qui est censé faire valser nos idéaux sur la société qui nous entoure à coup de phrases chocs ou du moins qui doivent l’être. Il suffit de voir la scène où dans sa chute Marc Marronnier écrit son livre se transformant au fur et à mesure que des phrases du gourou Beigbeder ornent les murs. Des phrases qui veulent faire sourire, dévoiler des vérités crues que l’homme lambda n’aurait pas pu comprendre ou voir, puisqu’il n’est pas le philosophe qu’est Beigbeder.

L'Amour dure trois ans, Frédéric Beigbeder

Le film dégage une envie de montrer une haute-société que le spectateur ne connaîtra jamais et qui lui semble fausse: entre alcool, homosexualité avoué – le coming out peu crédible d’un Joey Starr qui n’est pas utilisé à la hauteur de son immense talent d’acteur – petites pilules. Mais cette image de Bobo ne serait pas celle même de Beigbeider ? Pour apprécier le film, il aurait fallu déjà passer une sorte de marché avec l’auteur. Puisque le corrosif n’est qu’illusion, et le profondeur qu’éphémère.

Un petit résumé: déception.

Le Cinéma du Spectateur

Note: ☆✖✖✖✖ – Mauvais

Classement 2011 – Cinéma International

Meilleur Long-métrage:

1. Melancholia, Lars Van Trier, Danemark

2. Une Séparation, Asghar Farhadi, Iran

3.The Tree of Life, Terrence Malick, Etats-Unis

4. Black Swan, Darren Aronosfky, Etats-Unis

5. La Piel que Habito, Pedro Almodovar, Espagne

6. Les Crimes de Snowtown, Justin Kurzel, Australie

7. Le Gamin au vélo, Jean-Pierre et Luc Dardennes, Belgique

8. Le Discours d’un Roi, Tom Hooper, Angleterre

9. Carancho, Pablo Trapero, Argentine

10. Carnage, Roman Polanski, France-Pologne

Meilleur Réalisateur: Lars Van Trier, Melancholia (Danemark)

 

Meilleur Acteur: James Franco, 127 Heures (Etats-Unis)

 

Meilleure Actrice: Kirsten Dunst, Melancholia (Etats-Unis)

 

Meilleur Second Rôle Masculin: Christian Bale, Fighter (Etats-Unis)

 

Meilleur Second Rôle Féminin: Amy Adams, Fighter (Etats-Unis)

 

Meilleure Révélation: Mila Kunis, Black Swan (Etats-Unis)

 

Meilleur Jeune: Hunter McCracken, The Tree of Life (Etats-Unis)

Meilleur Casting: Une Séparation (Iran)

Meilleur Scénario Original: Lars Van Trier, Melancholia (Danemark)

Meilleure Adaptation: Pedro Almodovar, Augustin Almodovar, La Piel que Habito (Espagne)

Meilleur Film d’Animation: Rango, Gore Verbinski (Etats-Unis)

Meilleure Photographie: Manuel Alberto Claro, Melancholia (Danemark)

Meilleure Direction Artistique: James Choo, Détective Dee: le Mystère de la Flamme Fantôme (Chine)

Meilleurs Costumes: Bruce Yu, Détective Dee: le Mystère de la Flamme Fantôme (Chine)

Meilleur Maquillage: Jose Quetglas, Balada Triste de la Trompeta (Espagne)

Meilleur Montage: Andrew Weisblum, Black Swan (Etats-Unis)

Meilleure Musique: Alberto Iglesias, La Piel que Habito (Espagne)

Meilleure Chanson Originale: « Una Patada en los Huevos », Alberto Iglesias, La Piel que Habito (Espagne)

Meilleur Son: Rick Hromadka, Bill Meadows, Sucker Punch (Etats-Unis)

Meilleurs Effets Visuels: Scott E. Anderson, Jamie Beard, Alex Burt, Vaughn Cato, Alasdair Coull, Kevin Cushing, Aaron Gilman, Quentin Hema, Dejan Momcilovic, Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne (Etats-Unis)

Meilleure Affiche: Melancholia (Danemark)


2011: L’Humanisme cinématographique

Il est assez paradoxal de commencer un blog par un bilan, mais le moment de l’année me le permet. L’année 2011 touche à sa fin et se révèle d’une qualité impressionnante. Ce n’est pas l’année 2010, où seul le Mother de Joon-Ho Bong se démarquait du paysage cinématographique. On suit ici un schéma tout autre. On assiste au retour de nombreux cinéastes: Lars Van Trier, Les Frères Dardennes, Steve McQueen, Sofia Coppola, Gus Van Sant, David Cronenberg, Darren Aronofsky, Danny Boyle mais surtout le retour triomphant et magnifique de Terrence Malick. C’est aussi les rendez-vous annuels (et répétitifs) des habitués: Clint Eastwood, Pedro Almodovar, les Frères Coen, Roman Polanski, Woody Allen. Voilà pour une rapide vision des réalisateurs.

On assiste à un retour sur l’homme, sur la vision que l’humanité à d’elle-même. Ce n’est que par cette introspection que le cinéma atteindra d’ailleurs (sauf exception) son sublime.  C’est l’homme face au danger inévitable, l’homme anéanti et en voie de disparaître qui permet aux réalisateurs de raconter les plus beaux contes cinématographique. La genèse de l’humanité prend son sens par la peinture métaphysique de Terrence Malick, son Tree of Life pousse à son paroxysme l’onirisme par des images, ou plutôt des oeuvres créatrices de sentiments, de sensations, d’impressions. L’au-delà se dessine alors dans la religion avec l’envoûtant refrain susurré par les acteurs « Father, mother ». La mort hante aussi le cinéma de plusieurs réalisateurs: le cosmos séduit Lars Van Trier qui signe avec Melancholia une éradication grandiose de l’humanité par cette planète qui signe inévitablement la fin d’un monde ponctué par la peur, la colère, l’appât du gain. La destruction est la réponse à la gangrène qui ronge la Terre de l’intérieur. Lorsque que le cosmos n’intervient pas, c’est alors les éléments qui se déchaînent: pour son film annuel, Clint Eastwood se penche sur la reconstruction de personnages touchés par la mort, et c’est l’histoire qui inclue Cécile de France qui illustre notre réflexion.

Jamais l’homme ne sera tranquille, s’il ne trouve pas sa souffrance dans le cosmos, c’est parce qu’il endure déjà son microcosme. Valéry Donzelli (La guerre est déclarée) sera sans doute la plus touchante en racontant l’histoire (personnelle) de son enfant atteint dès la naissance d’une tumeur au cerveau, elle aura le génie et le savoir-faire nécessaire pour ne jamais tomber dans le pathos, et trouvera la force d’en faire un film mixte qui mélange brillamment les genres du drame et de la comédie, car si on pleure, on rit. C’est également la devise de Maïwenn qui  avec Polisse, justement récompensé d’un Prix du Jury au Festival de Cannes, s’immisce dans la Brigade de Protection des Mineures (BPM) troquant la dureté de ses propos par des scènes comiques réellement hilarante. Mais lorsque je parle de dérèglement du microcosme je vois deux voies possible: d’un côté le mal qui ronge la société sous différente forme (la violence dans l’incroyable premier film Les Crimes de Snowtown, qu’on retrouve le thriller sud-coréen de Kim Jee-woon intitulé J’ai rencontré le diable; l’accident fatal dans On the Ice; ou encore une sorte de folie de l’homme moderne que Polanski illustre à merveille en adaptant la pièce de Yasmina Reza avec Carnage), de l’autre la maladie qui détruit l’intérieur de l’homme pour finalement le rendre plus vivant, le dé-diviniser: Restless les fait sans doute partir trop tôt, mais cela est égal puisque face à la mort nous perdons dans tous les cas, Steve McQueen (Shame) empêche son héros de vivre, il le fige dans une obsession sexuel, et ne pouvons nous pas voir chez Darren Aronofsky (Black Swan) la folie de l’homme, son sentiment fou d’être toujours persécuté, mise à mal.

C’est face à ses propres combats qu’il peut s’en sortir et retrouver la gloire qu’il a perdu au profit de la nature, des forces de l’univers, c’est à dire ce qu’il ne maîtrise pas. Il ne maîtrise pas la nature, qu’il n’a d’ailleurs jamais maîtrisée. Les catastrophes géologiques qui ont eu lieu au cours de l’année le prouve bien: séisme, raz-de-marrée … Danny Boyle est un représentant de cette humanité vaillante qui peut avoir foi en elle, en sa survie. C’est en effet en offrant le rôle (son plus beau) d’ Aron Ralston à James Franco pour 127 Heures qu’il montre le potentiel souvent sidérant de l’homme, son courage face à ce qui paraît une situation perdu d’avance. Certes, vous pouvez me dire qu’Aron Ralston n’est pas n’importe qui, que tout le monde n’aurait pas la force et l’envie de survivre 127 heures, le bras coincé sous un rocher et n’avoir comme solution seulement l’auto-amputation de son membre. Mais, il n’est que le messie de l’optimisme en l’homme, d’un homme qui s’accroche à tout ce qu’il a pour vivre.

Certains d’entre vous peuvent voir autre chose dans l’année 2011 au cinéma, je me suis, quant à moi, intéressé à cela. La place que les cinéastes donne à l’homme m’a littéralement, ou plutôt cinématographiquement fasciné. Il est ni bon, ni mauvais, c’est le cadre qui l’entoure qui le façonne et le rend fragile. Il suffit, pour finir, de voir The Murderer du Sud-coréen Hon-jin Na pour le comprendre à travers le portrait de cette homme qui pour survivre ne peut que accepter de tuer cet homme qu’il ne connaît pas. L’homme n’est pas une certitude mais une multitude de possibilité qui restent ouverte au cinéma. La voie commencée par le cinéma mondial de 2011 semblent continuer sur sa lancée avec le très bon Take Shelter sortie en début d’année 2012.