Caiti Blues : La Voix du Vide

76e Festival de Cannes 
ACID
Sortie le 19 juillet 2023

Depuis le studio de la radio KMRD où elle tient une chronique sous le pseudonyme de DJ Barnacle, Caiti Lord contemple le paysage rocailleux du Nouveau-Mexique. Telle une vigie, elle s’aventure, autant pour ses auditeur·trice·s que pour elle-même, dans des monologues introspectifs face à cette immuable Amérique esseulée. Dans cette ancienne ville fantôme abandonnée en 1954 après la fermeture de l’exploitation minière, les destinées des habitant·e·s semblent également à l’arrêt, perdues entre des rêves déchus et des désirs hors d’atteinte. Dans les paroles de ses chansons qui ponctuent Caiti Blues, la jeune femme exprime ce poids pesant d’un présent intransigeant : « La réalité m’a rattrapée / J’suis trop engourdie pour la sentir ». Cette implacable réalité s’obscurcit par le remboursement impossible d’une dette étudiante de 36 000 dollars, croissant insidieusement chaque année à cause des intérêts. Pour joindre les deux bouts, la jeune femme de 29 ans travaille également à la Mine Shaft Tavern pour un salaire de 4 dollars de l’heure et de précieux pourboires taxés. Comme ses jeunes collègues qui songent à une vie meilleure à Los Angeles, elle partage une ambition qui dépasse les limites de cette ville oubliée.

« Je ne peux ni rester, ni partir Il faut que je respire » confesse Caiti en musique. C’est cette respiration salvatrice que Justine Harbonnier parvient à saisir et qui habite tous les plans de Caiti Blues. Les images se teintent de la résilience solaire de cette artiste anonyme. Lorsque de petites victoires (une audition réussie, un rendez-vous) surgissent, la cinéaste quitte son rôle d’observation pour laisser exploser une complicité construite sur une dizaine d’années depuis le tournage dans le sud de la Floride de son court-métrage documentaire Il y a un ciel magnifique et tu filmes Angèle Bertrand [2014]. Par le biais de souvenirs familiaux gravés sur la bande magnétique de VHS, la cinéaste retrace le portrait d’une enfant hors norme cherchant à trouver sa voix/voie. En prolongeant le format 4:3 dans le présent, Caiti Blues manifeste à la fois la continuité de cette quête intérieure et la perte d’horizon qu’implique le passage à l’âge adulte. À la manière de cette guérisseuse qui ouvre l’œuvre, le chant – sa véritable drogue – lui permet d’extirper la noirceur de la vie. Le « blues », dans son double sens, est à la fois le mal et la solution qui lui permet de « se réveiller ». 

Tel ce cactus orné de guirlande qui illumine les nuits durant l’hiver, l’aura solaire de Caiti est le point de ralliement de la communauté marginale de Madrid. Caiti Blues est marqué en filigranes par la présence fantomatique de Donald Trump. La jeune artiste observe une société où « tout se réduit en cendres sous [ses] yeux ». Préférant ne plus regarder les informations pour essayer de trouver le sommeil, elle fait partie d’une génération ayant grandi post-11 septembre, donnée en sacrifice à la peur et à la bigoterie. Autour de Caiti, une communauté queer s’organise pour ne pas plonger dans l’obscurité. Lorsqu’elle reprend « Sweet Transvestite » de The Horror Picture Show [Jim Sharman, 1973], comédie musicale emblématique, lors d’un drag show local, Caiti témoigne de la vivacité d’une contreculture américaine qui ne peut être muselée. La caméra de Justine Charbonnier affectionne cette Hollyweird comme écrit dans le décor du spectacle, cherchant dans les fêlures d’une Amérique gangrénée le réenchantement d’une nation toute entière. 

CONTRECHAMP
☆☆☆– Bien

De nos jours… : Ce qu’il reste de « nous »

76e Festival de Cannes
Film de Clôture – Quinzaine des Réalisateurs
Sortie le 19 juillet 2023

Durant une journée d’été au ciel couvert dans la capitale sud-coréenne, deux rencontres prennent place simultanément. D’un côté, Sangwon (Kim Min-hee), une actrice en retrait de l’industrie cinématographique, retrouve sa cousine Jisoo (Park Miso) qui rêve, à son tour, de devenir actrice. De l’autre, le poète Hong (Ki Joobong) accueille un jeune acteur en formation, alors qu’il est lui-même suivi par une jeune documentariste réalisant son projet de fin d’études sur lui. Alors que chacun·e endosse à sa manière son rôle exigé de mentor – maladroitement pour Sangwon et philosophiquement pour Hong, De nos jours… tisse discrètement des liens entre les deux personnages. Par un habile jeu de parallélismes, iels partagent des habitudes communes : un goût pour les siestes prolongées, l’ajout de gochujang (pâte de piments coréenne) dans les ramyuns (nouilles instantanées). Leur histoire commune (Sangwon est-elle la fille partie de Hong ? Hong est-il l’artiste qui a inspiré Sangwon ?) s’écrit, dans la temporalité fragile du montage, à travers ces vestiges comportementaux d’un passé commun. Baptisé de manière équivoque « Nous », le chat de Jungsoo (Song Sunmi) – amie qui héberge Sangwon – symbolise, par sa soudaine disparition, la possible fugacité des choses qui peuvent être perdue.  

Avec De nos jours…, le cinéma de Hong Sang-soo continue sa quête d’une pureté cinématographique. À l’instar de cette documentariste Kijoo (Kim Seungyun) qui filme des scènes de vie de Hong pour agrémenter son œuvre, Hong Sang-soo observe dans le quotidien ce qui forge imperceptiblement les vies de ses personnages. Pour Kijoo et Jaewon (Ha Seongguk) – le jeune acteur, leur rencontre fortuite chez le poète semble être la naissance possible d’un amour qui ne pourra éclore, après leur disparition au détour d’une ruelle, qu’en-dehors du cadre fictionnel de l’œuvre. Avec minimalisme, ce cadre se restreint aux deux appartements de Jungsoo et de Hong – puisque même les plans extérieurs ont toujours l’une des portes d’entrée comme point de fuite. L’intérieur, comme espace sacralisé de parole, se détache alors d’un extérieur annihilé par un travail de surexposition lui conférant une blancheur opaque. Comme dans Juste sous vos yeux, Hong Sang-soo guide le regard du spectateur·trice afin qu’iel puisse saisir la richesse du réel. Ici, Sangwon s’accroupie à deux reprises : une fois pour flatter « Nous » et une autre fois pour admirer une plante. En se rapprochant du sol, elle observe et appréhende le monde autrement allant jusqu’à créer une connexion singulière avec une fleur au discours motivant.  

Dans De nos jours…, Jaewon annonce que son projet est de « vivre sans mentir » et d’avoir la « vérité comme fondement ». Si cette volonté peut paraître naïve, elle fait écho aux conseils de Sangwon sur le métier d’actrice. Il est nécessaire d’ « enlever toutes les couches [de son moi] » pour atteindre une sincérité de jeu, voire d’être. Lassée, l’ancienne actrice refuse de se perdre à nouveau dans la vacuité d’une pratique qui la réduit à n’être, comme un produit, qu’une facette monolithique d’elle-même. Éloges suprêmes pour les artistes mis·es en scène par Hong Sang-soo de la poésie de Hong au jeu de Kilsoo (Kim Min-hee) dans La Romancière, le film et le heureux hasard, les notions de pureté et de sincérité sont constitutives de la démarche du cinéaste. Jusqu’à la direction d’acteur·trice, la frontière entre réalité et fiction se veut la plus poreuse possible. En refusant l’illusion, le cinéma de Hong Sang-soo ne veut pas documenter le réel, mais affirmer sa force narrative. Il se plie au hasard, si cher au cinéaste, qui régit une vie qui « suit son cours sans se soucier des raisons » imaginées par les hommes, comme l’annonce Hong. Seul sur sa terrasse, cet alter-ego de Hong Sang-soo clôt De nos jours… dans une forme d’apaisement, celui d’accepter son irrémédiable mortalité (en buvant et fumant à l’encontre des recommandations des médecins).

CONTRECHAMP
☆☆☆– Bien

Pornomelancolia : La solitude des garçons sauvages

Festival international du film indépendant de Bordeaux
Grand Prix – Compétition Internationale
Sortie le 21 juin 2023

Au milieu des mouvements frénétiques des rues de Mexico City, un homme se différencie par son immobilité. Comme observé depuis la vitrine d’un magasin alentour, il émerge de cette foule anonyme par sa cruelle banalité. Esseulé, il laisse progressivement monter en lui une douleur sourde qui explose en sanglots. Alors que le masque machiste qu’il arbore au quotidien vient de se fissurer, il se révèle aux yeux du spectateur·trice·s dans sa plus pure vulnérabilité. Il s’agit de Lalo (Lalo Santos), un trentenaire, dont l’identité évolue au gré de ses activités. Le jour, il se présente comme un ouvrier hétérosexuel plaisantant avec ses collègues de la prison qu’est le mariage hétérosexuel. La nuit, il trouve des partenaires d’un soir dans les lieux de drague de la capitale mexicaine. Comme lors de la séquence d’ouverture susmentionnée, Manuel Abramovich expose son protagoniste, par des plans larges, dans un espace public banalisé par une vision hétéronormée. Dans Pornomelancolia, la communauté homosexuelle mexicaine s’intègre clandestinement au réel : ses membres se reconnaissant, au détour d’un clin d’œil furtif dans un parc sportif, pour quelques gémissements étouffés aux confins d’une ruelle.

En parallèle, le cinéaste argentin invoque une contre-culture homosexuelle qui fleurit à l’ère numérique. En offrant anonymat (sécuritaire) et liberté (sexuelle), la virtualité devient un territoire d’exploration et d’expérimentation de fantasmes multiples. Sex-influenceur autant pour Manuel Abramovich que dans la vraie vie, Lalo Santos construit via les réseaux sociaux une version fantasmée de lui-même et de sa vie. Ce fantasme se construit suivant les mêmes stéréotypes sexuels (la consigne récurrente d’avoir un « air bien macho ») et raciaux (le costume folklorique, « Mexican style for money » comme il le qualifie dans un tweet, lors d’une séance photo pour le marché international) que ceux qui gangrènent la société. Durant le tournage du réel biopic porno (Pornozapata) dans lequel Lalo interprète le révolutionnaire mexicain Emiliano Zapata, le fantasme machiste dépasse la sphère sexuelle pour s’accompagner d’une réappropriation politique d’une forme de domination gravée dans l’histoire. Comme lors de la scène de Pornozapata dans laquelle Zapata fait l’amour à son double chimérique – que le cinéaste emprunte au dernier film de Luis Buñuel, Cet obscur objet du désir [1977], où deux actrices (Ángela Molina et Carole Bouquet) interprètent la même femme –, ce désir sexuel figé se réduit à dominer, jusque dans la chair, son propre pouvoir de domination. 

Si la pornographie orchestre cet imaginaire – aussi cathartique que problématique – reposant principalement sur « un bon éclairage », Pornomelancolia privilégie une chronique, hors champ, de la mélancolie qui ne quitte jamais vraiment les protagonistes. Si chacun compose son identité pornographique sur les caractéristiques de son corps, la caméra de Manuel Abramovich s’arrête sur des visages éreintés par l’insignifiance du quotidien. De l’usine à l’industrie pornographique, le corps reste un produit essoré par un capitalisme prédateur. Derrière la performance, la solitude persiste. La célébrité acquise par Lalo se résume à l’envoi mécanique d’un emoji diable à tou·t·es ses followers qui le contactent. La beauté de Pornomelancolia réside alors dans la camaraderie éphémère qui naît, dans l’entour des tournages, entre ses hommes abandonnés à leur propre aliénation. Ils forment une communauté unie par cette pornomélancolie qui les consume. Entre deux coïts pour la caméra, l’un raconte le deuil de son père, l’autre témoignage de son rapport à la séropositivité. Leurs fantasmes se défont progressivement de leur enveloppe corporelle pour se réduire à imaginer, dans un jacuzzi avec un autre sex-influenceur à la suite de l’enregistrement d’un contenu pornographique, qu’un follower commencera une discussion privée en demandant comment ils vont. 

CONTRECHAMP
☆☆☆☆ – Excellent

Marcel le coquillage (avec ses chaussures) : Sortir de sa coquille

95e Cérémonie des Oscars
Nommé dans la catégorie Meilleur Film d’Animation
Sortie le 14 juin 2023

Dans une maison en images réelles, une balle de tennis avance et dévale les escaliers comme ensorcelée. Bercée par les tendres lumières de la Californie, cette étrangeté se manifeste dans une inhérente douceur. Il s’agit du véhicule, passablement furtif, de Marcel – un coquillage, animé, d’un centimètre – que découvre Dean, le réalisateur à et hors de l’écran, dans l’Airbnb qu’il loue alors que son mariage prend fin. Par cette ouverture insolite, Dean Fleischer Camp énonce les deux réalités qui s’entrechoquent dans Marcel le coquillage (avec ses chaussures) : celle de Dean, que partage le·a spectateur·rice, et celle de cet attachant mollusque paré de chaussures orange. À travers la vie bricolée de Marcel et de sa grand-mère Connie, le cinéaste aspire à réenchanter un réel foncièrement trivial, celui de l’espace domestique. 

Brutalement séparé·e·s de leurs congénères lors de la séparation des propriétaires de la maison, les deux coquillages ont dû appréhender leur environnement pour survivre. Tandis que notre regard – guidé par la caméra de Dean Fleischer Camp – change d’échelle, les objets trouvent de nouveaux usages : un poudrier se transforme en lit ; un pain à hot-dog en canapé ; une pâte crue en instrument à vent. Ce contre-emploi poétique des résidus des vies humaines atteint son paroxysme dans le traitement de la poussière opéré dans Marcel le coquillage (avec ses chaussures). Pour Marcel, un amas de fibres est devenu Alan – sa balle en peluche de compagnie. Pour Connie, la poussière symbolise la nostalgie de son enfance passée dans le garage avant d’immigrer dans la maison. Cette maison se révèle être le sanctuaire d’existences simultanées, humaine et invertébrée, unies dans un processus de perte similaire. À la photographie du couple enlacé – trace d’un amour révolu – répondent les portraits des proches disparus de Marcel gravés à l’arrière du miroir de la coiffeuse en bois. 

D’une curiosité propre à l’enfance, Marcel est la passerelle entre les deux mondes. Dépassant le simple récit initiatique, Marcel le coquillage (avec ses chaussures) « redonne du sens aux concepts les plus simples » pour reprendre les mots de la journaliste de l’émission 60 minutes Lesley Stahl, idole des deux rescapé·e·s, lors du reportage fictif qu’elle dédie à Marcel. Le jeune mollusque célèbre la communauté qu’on tisse autour de soi. Il conteste la facticité que peut revêtir une audience virtuelle, acquise par les vidéos virales que publie Dean. Avec candeur, Marcel s’interroge sur la réalité qui se cache sous les images ou sous la technologie. S’il devine que Dean se dissimule émotionnellement derrière sa caméra, il ne se dérobe pas au fait que l’action de filmer modifie intrinsèquement le réel. Dans ce faux documentaire, il « en rajoute un peu pour [Dean] » comme le remarque avec tendresse Connie. Métafilm, Marcel le coquillage (avec ses chaussures) est un premier long-métrage hybride qui exalte une liberté d’être, pour soi et avec les autres. Depuis son coquillage, Marcel devient le représentant d’une résilience solaire.

CONTRECHAMP
☆☆☆– Bien

Petit Samedi : « Personne ne raconterait sa vie sans pleurer »

70e Berlinale
Forum
Sortie le 7 juin 2023

Au sein d’une rave du milieu des années 1990, Petit Samedi initie son mouvement en le conformant à celui erratique des corps exaltés par la musique électronique. Dans cette transe collective, les visages sont transis invariablement par le rythme, occasionnellement par la drogue. Alors que cette époque nostalgique s’évapore subitement, Damien Samedi se dérobe au présent tandis que sa mère, Ysma, tente désespérément d’avoir de ses nouvelles. À 43 ans, « Petit Samedi » – comme il était surnommé enfant – est encore prisonnier de ses jeunes années capturées sur vidéo où l’addiction a commencé à mener la danse. « Quand je consomme, je vis ma vie » avoue-t-il en thérapie. L’héroïne est appréhendée dans sa cruelle ambivalence. Omniprésente en pensée (s’il ne se drogue pas) ou en pratique (s’il se drogue), elle imprègne son quotidien avec autorité. La drogue hante son présent des sensations alors plénières du passé, à l’instar de cette cavité rocheuse se métamorphosant, par les lumières et les sons, en rave alors que l’envie devient plus insoutenable. 

Dans son combat, Damien peut compter sur l’amour absolu de sa mère Ysma. Chacun·e cherche des réponses, aussi rationnelles que rassurantes, à cette addiction : une enfance rendue chaotique par un père alcoolique et violent pour lui ; la mort traumatique d’une sœur pendant la grossesse pour elle. Depuis le début, iels traversent ensemble cette douleur enracinée dans leurs cœurs battant à l’unisson. Avec pudeur, Paloma Sermon-Daï – fille d’Ysma et sœur de Damien – filme leur quotidien entremêlé. Bien que l’addition de Damien affecte la famille tout entière, la cinéaste s’efface pour saisir la pureté de cette relation privilégiée où l’autre est placé avant soi. Mère courage, Ysma parcourt la ville demandant à des passant·e·s, étonné·e·s de l’âge de son fils, s’iels n’ont pas vu cet enfant parfois évanescent. Elle se trouve à la frontière de l’abnégation de sa propre personne, tel ce voyage à Lourdes, qu’elle fantasme encore, gagné lorsqu’elle avait 40 ans qu’elle s’était résolue à offrir à une voisine. Petit Samedi évoque même cette culpabilité de cette mère d’avoir peut-être créé, par le caractère inconditionnel de son aide, un refuge trop confortable pour Damien. « Si je t’avais mis à la porte, est-ce que tu t’en serais mieux sorti ? », confie-t-elle avec une sincérité vibrante. 

Cependant, Damien a tenté et tente toujours de se sortir de son addiction. Pour son premier long-métrage, Paloma Sermon-Daï porte un regard empathique sur la maladie et sur la fragilité qui en découle. Sans misérabilisme, elle donne à son frère un espace privilégié pour libérer une parole essentielle. Comme sa mère qui prêche que « personne ne raconterait sa vie sans pleurer », elle déconstruit les stigmates inhérents des personnes souffrant de toxicomanie. Elle redonne une humanité à son frère abandonné par la société. Elle célèbre le chemin plutôt que la destination, même s’il est semé de frustrants échecs. Elle sublime un présent qu’il habite toujours. Sensorielle, sa caméra se place au plus près de Damien lorsqu’il est seul, qu’il joue au flipper dans le bar du village ou qu’il laisse sa peau se gorger de soleil après une journée de travail éreintante. Bien qu’il puisse être dangereux, elle choisit, politiquement et affectueusement, de se placer du côté de l’espoir. Damien clôt Petit Samedi chargé d’optismisme : « j’ai encore du boulot, mais ça va aller ». 

CONTRECHAMP
☆☆☆– Bien

Règle 34 : Asphyxie sociale

75e Festival international du film de Locarno
Léopard d’Or
Sortie le 7 juin 2023

Popularisée dans les années 2000, la « Règle 34 » stipule qu’un équivalent pornographique existe de tout sujet. Júlia Murat expérimente cette théorie autour du personnage de Simone (Sol Miranda), à la fois étudiante en droit afin de devenir défenseuse publique – chargée de fournir une assistance juridique aux Brésilien·ne·s dépourvu·e·s de moyens – et camgirl. D’emblée, la cinéaste brésilienne annihile toute lecture morale ou conservatrice autour d’une pratique pornographique tarifée. Dès la séquence d’ouverture où elle se produit devant sa webcam, la jeune femme est présentée comme maîtresse de son désir et de son corps. La prostitution en ligne est présentée autant comme un territoire d’exploration que comme un moyen de revenus, sous les bruits des tokens dépensés par les internautes. À travers ses discussions virtuelles avec une autre camgirl Natalia (Isabela Mariotto), Simone se familiarise avec la culture BDSM. Elle intègre alors dans son vocabulaire sexuel les notions de douleur et de contrainte. 

En appliquant la « Règle 34 » à la notion de violence notamment subie par les dominé·e·s, Júlia Murat propose une plongée percutante dans une société brésilienne post-Bolsonaro toujours gangrenée par un patriarcat particulièrement machiste. Cette violence parasite l’ensemble des pans de la vie de Simone – comme elle le fait remarquer lors d’un dîner à un étudiant masculin – et prend différentes formes : structurelle (le cadre légal), physique (les femmes battues qu’elle défend), et maintenant érotique (le sadomasochisme). Dans Règle 34, le politique ne s’exprime paradoxalement pas dans le domaine juridique. Alors qu’elle se rhabille après une session, Simone ironise en précisant que son habit de défenseuse publique n’est pas un costume, sous-entendu pour exciter ses internautes encore en ligne. Avec ce tailleur noir, elle invisibilise son corps pour le rendre conforme aux attentes puritaines de l’État. Pour symboliser cette rigidité des structures étatiques, Júlia Murat figure les cours de droit comme des joutes verbales, principalement en champ-contrechamp, mettant en valeur l’intellect des personnages – illustrant ainsi une séparation platonicienne révolue entre un corps impur et une âme pure. De la sorte, émerge l’hypocrite distance entre la réalité, économique et sociale, des défenseur·se·s et celle des défendu·e·s – en particulier autour de la prostitution. 

Face à la rigidité de l’espace public, l’espace privé devient alors un véritable laboratoire d’expérimentations libertaires. C’est dans l’intime – délivré des codes sociaux dominants – que Júlia Murat propose des formes alternatives, autant cinématographiques que sociales, d’aimer et de désirer. Aux côtés de Coyote (Lucas Andrade) et Lucia (Lorena Comparato), Simone réinvente son imaginaire amoureux et sexuel. Cette parenthèse hédoniste s’étiole au fur et à mesure que sa fascination pour le BDSM s’intensifie. La rupture idéologique entre Lucia et Simone se résume à cette sentence prononcée par cette dernière : « désolé, si ma libido n’est pas assez politique pour toi ». Règle 34 questionne habilement l’ambivalence dans le désir des dominé·e·s de reproduire, dans un cadre sexuel, une violence s’exerçant sur leur propre corps. Est-ce reproduire les schémas de domination ou se les réapproprier ? La cinéaste brésilienne ne cherche pas à donner une réponse réductrice, mais à trouver le point de rupture où le fantasme devient purement soumission. Júlia Murat fait naître ce moment funeste où l’asphyxie érotique de Simone rejoindra celle sociale de la société brésilienne. 

CONTRECHAMP
☆☆☆☆☆ – Chef d’Œuvre

Sept hivers à Téhéran : Rétablir le réel

73e Berlinale
Perspektive – Prix Compass & Prix pour la paix
En salles le 29 mars 2023

2007, Téhéran. Le nom et le visage, reconnaissable malgré une tentative d’anonymité, de Reyhaneh Jabbari apparaît à la une des journaux iraniens. La téhéranaise de 19 ans est accusée d’avoir tué, avec préméditation, le notable iranien Morteza Abdolali Sarbandi. En réalité, l’ancien agent des services secrets avait abordé la jeune décoratrice dans un café, après l’avoir entendue au téléphone, prétextant avoir besoin d’aide pour rénover son cabinet de chirurgie esthétique. Une fois le piège tendu, il avait tenté de la violer dans son appartement – avec l’aide d’un complice bloquant la porte – et elle avait pu repousser son assaillant par le biais d’un couteau laissé sur la table. À la suite d’une enquête truquée et d’un procès illusoire qui refuse de reconnaître le cas de légitime défense, Reyhaneh est condamnée à la peine de mort. Suivant les lois de Qisas [du talion], la famille de la victime peut accorder son pardon à la jeune femme murant les Jabbari dans une attente de sept ans jusqu’au 25 octobre 2014, jour où Reyhaneh est pendue à la prison de Gohardasht. 

Sept hivers à Téhéran se confronte alors au réel – celui dicté par le régime iranien – en examinant une histoire dont les traces ont été soit falsifiées soit détruites. Comment représenter ce qui ne doit pas exister ? La cinéaste allemande Steffi Niederzoll ouvre son premier long-métrage documentaire par une réponse : une maquette. Référence au travail de décoratrice à mi-temps de Reyhaneh, elle réorchestre l’espace offrant, dans ces abris en carton, une scène pour accueillir le témoignage de sa protagoniste. À travers des enregistrements audio (ou des lettres récitées par l’actrice et réalisatrice iranienne Zar Amir Ebrahimi) collectés durant sa période d’emprisonnement, la voix de Reyhaneh retrouve un auditoire qui dépasse les murs de ses prisons successives. Par des archives familiales en VHS et des cassettes mini DV, elle reprend corps affichant une vitalité ensuite volée par le régime iranien. Alors qu’un texte introductif rappelle qu’enregistrer illégalement des images et des sons en Iran est passable de cinq années d’emprisonnement, Sept hivers à Téhéran devient le plaidoyer autant d’une liberté d’expression que d’archivage des luttes populaires et contestataires. Dans les soubresauts d’un plan hésitant ou les pixels d’un téléphone portable vibre le courage politique des « anonymes » (par nécessité), notamment la famille Jabbari et leurs proches, qui se battent pour mettre en lumière la réalité du peuple iranien. 

Face au système patriarcal iranien, Reyhaneh s’insurge de l’inévitable culpabilité, légale et/ou sociale, d’une femme dans un contexte de viol : « Si tu résistes, tu es condamnée / Si tu te défends, tu es condamnée / Si tu te laisses faire, tu es condamnée ». Dans un aveu glaçant filmé en Allemagne par Steffi Niederzoll, Sharare Jabbari (l’une des deux sœurs cadettes de Reyhaneh) loue d’ailleurs le courage, qu’elle n’aurait pas eu à l’époque, de son aînée d’avoir la force de s’être défendue à seulement 19 ans, tout en confessant – qu’au regard du traitement de la légitime défense pour une femme fans la loi iranienne – qu’elle se laisserait également faire si cela se produisait maintenant. Pendant les sept hivers qu’elle passe en prison, Reyhaneh quitte son habitus, forgé dans une classe moyenne et artistique, et découvre la réalité des femmes des milieux pauvres et populaires. Parmi les prostituées et les droguées, elle déconstruit son regard biaisé, prend conscience de la caractéristique systémique de l’oppression masculine et intercède pour sauver ses sœurs. Sept hivers à Téhéran témoigne alors de la funeste beauté d’une trajectoire politique construite par et avec les opprimées. Un combat primordial qui continue de vivre à travers multiples femmes sauvées de la peine de mort par Shole Pakravan, mère de Reyhaneh, dont l’âme lumineuse parcourt ce documentaire édifiant. 

CONTRECHAMP
☆☆☆– Bien

Holy Emy : La faiseuse de mauvais miracles

74e Festival international du film de Locarno
Concorso Cineasti del presenteMention spéciale de la meilleure première œuvre
En salles le 22 mars 2023

Dans une baignoire d’Athènes, l’eau se teinte de sang présageant les bouleversements à venir. Le sang qui se déverse provient des larmes rouges d’Emy (Abigael Loma), une curiosité physiologique héritée de sa mère guérisseuse. Holy Emy s’ouvre alors avec deux éléments, l’eau et le sang, constitutifs de l’identité de sa protagoniste, issue de la deuxième génération de Philippin·e·s installé·e·s en Grèce. Pour son premier long-métrage, Araceli Lemos représente cette communauté invisible de la société grecque, dévolue aux emplois de maison pour les femmes et à la pêche pour les hommes, qui immigre à partir des années 1970. Travaillant dans une poissonnerie avec sa sœur Teresa (Hasmine Kilip) puis suivant les traces de sa mère auprès de la riche Madame Christina (Irene Inglesi), Emy s’inscrit dans la continuité de ce double héritage. Cependant, sa trajectoire sera un acte politique : celui d’avoir (enfin) la force d’être visible et d’exister au sein de la société athénienne pour et par elle-même. 

Avec Holy Emy, Araceli Lemos construit un cinéma profondément charnel où le corps des deux sœurs est le fruit de cette dualité identitaire, entre la Grèce (à l’instar de ce puissant plan où le ventre d’une Theresa enceinte se confond dans le paysage grec) et les Philippines (par la pratique de guérison d’Emy). Jusqu’alors fusionnelles, le départ précipité de la mère aux Philippines modifie la dynamique entre elles, chacune suivant ses propres désirs. Leur corps devient un territoire à appréhender qui retrouve, par l’incursion du surnaturel, son étrangeté originelle. Holy Emy prend la forme d’un récit initiatique où les digressions fantasmagoriques sont une manière de réécrire le réel athénien par le prisme d’un mysticisme philippin. Le surréel ainsi créé par Araceli Lemos devient l’espace d’expression d’un geste cinématographique pur brouillant une narration qui aurait pu être convenue. Autant film de genre que chronique sociale, l’œuvre semble imprévisible pouvant basculer sans cesse d’une réalité à l’autre. 

Le fantastique s’invite dans le récit à travers les pouvoirs, autant prodigieux que mortifères, d’Emy qui influent sur le destin des personnages qui l’entourent. En situant son récit au cœur d’une communauté chrétienne pratiquante, Araceli Lemos impose à son récit – via la « tante » Linda (Angeli Bayani) – un moralisme, marquant la domination du groupe sur l’individu. Faiseuse de mauvais miracles, Emy perturbe une croyance dogmatique prônant uniquement un fantastique dans l’écriture. Pour les profanes, ses dons nourrissent une avidité économique – le petit ami de Teresa, Argiris (Michalis Syriopoulos) voyant dans Emy une manière de sortir de sa condition précaire – et/ou sociale – Madame Christina utilisant ses dons pour asseoir sa position sociale. Par ses expérimentations mystiques, la jeune femme transcende sa propre condition de dominée et annihile les mécanismes d’exploitation des personnes racisées par les Grec·que·s. Holy Emy multiplie les fausses pistes interprétatives laissant exclusivement à sa protagoniste le pouvoir de s’auto-désigner.

CONTRECHAMP
☆☆☆– Bien

Tengo sueños eléctricos : Histoire de ma violence

75e Festival international du film de Locarno
Léopard de la meilleure réalisation, Léopard de la meilleure interprétation féminine & Léopard de la meilleure interprétation masculine
En salles le 8 mars 2023

Lors d’un banal trajet en voiture en famille, l’ombre de Tengo sueños eléctricos se déploie avec fracas tandis que dans un excès de rage le père, Martin (Reinaldo Amien Gutierrez), sort du véhicule pour frapper frénétiquement sa tête contre le portail métallique du domicile conjugal qu’il doit quitter. Face à cette violence expansive, Valentina Maurel saisit avec sa caméra les conséquences de l’acte sur le reste de la famille : la mère Anca (Vivian Rodriguez) reste impassible par habitude, la jeune Sol (Adriana Castro Garcia) – traumatisée – ne peut retenir sa vessie, et sa grande sœur Eva (Daniela Marin Navarro) s’époumone pour venir en aide à son père. Alors que son univers s’effondre suite à la séparation de ses parents, cette dernière s’efforce de sauver les traces de l’existence de son père, dont un carnet rempli de notes poétiques, dans une maison en cours de rénovation. Âgée de 15 ans, elle souhaite vivre avec son père se lançant, pour lui ou ce qu’elle pense qu’il désire, dans la recherche d’un appartement pour eux. Si son amie swipe sur une application de rencontre, Eva parcourt ardemment les petites annonces immobilières. Loin de sa relation conflictuelle avec sa mère, elle cherche à reconstruire son propre équilibre afin de traverser les tumultes de l’adolescence. 

Avec Tengo sueños eléctricos, la cinéaste franco-costaricaine livre l’un des plus forts portraits récents sur l’adolescence. Son premier long-métrage est habité par l’intensité propre à cette période d’apprentissage de soi et des autres, cette singulière collision entre un ennui apathique et un exubérant goût de l’aventure. Malgré la dureté de son propos, Valentina Maurel compose un cinéma à l’effigie de sa protagoniste : emplie de vie, affamée de sensations. Eva sait ce qu’elle désire et provoque son destin. De ses pérégrinations, elle collectionne des images mentales comme cette jeune femme dont le haut se détache lors d’une attraction dévoilant sa poitrine. La caméra de Maurel se fait à la fois charnelle et lointaine, calquant sa distance sur cette confusion naissante entre le fantasme et le réel. Comme Eva, Tengo sueños eléctricos observe âprement le monde des adultes afin d’en saisir les codes pour y être acceptée. Chaque première fois (tabac, alcool, sexe) se vit comme un adoubement vers une liberté fantasmée, corrompue par l’aura de l’entourage composé d’artistes de son père.  

Entraînée dans une danse macabre où meurt l’innocence, Eva se confronte à la violence structurelle de la société costaricaine envers les femmes. Elle navigue entre le désir d’hommes plus âgés transformant son corps, et celui des filles de son âge, en proie. Au sein de Tengo sueños eléctricos, la prédation sexuelle s’exprime autant dans sa visible institution (l’agent immobilier les prenant pour un couple, malgré l’évidente différence d’âge) que dans ses manœuvres clandestines (le flirt de son père avec son amie ivre ; la relation naissante avec l’ami de son père). À l’instar de la séquence d’ouverture, cette violence sexuelle et sexiste s’accompagne d’une autre violence, également inhérente au patriarcat, nichée dans le comportement agressif et (auto)destructeur de Martin. Avec talent, Valentina Maurel parvient à saisir la confusion psychologique de sa protagoniste face à un père aimé et craint. Dans ce flou émotionnel, Eva cherche à canaliser aussi bien la violence de son père que la sienne (notamment envers sa sœur et sa mère). À travers ces deux personnages à l’électricité variable, Tengo sueños eléctricos questionne le poids d’une violence héritée. Dans un ultime champ-contrechamp, le père libère sa fille du poids de cette malédiction familiale augurant, en fin de l’un de ses poèmes, qu’« il faut parfois plusieurs vies pour le comprendre [mais que] la rage qui nous traverse ne nous appartient pas ». 

CONTRECHAMP
☆☆☆☆ – Excellent

Domingo et la brume : La Montagne dévorée

75e Festival de Cannes
Un Certain Regard
Sortie le 15 février 2023

Dans les montagnes tropicales du canton du Coronado, la nature luxuriante que traverse un vieil homme vêtu d’un imperméable jaune semble indubitablement souveraine. Or, les majestueux plans larges dessinés par Ariel Escalante Meza sont parasités par les bruits assourdissants, entre forage et explosion, d’un chantier titanesque : la construction d’une autoroute traversant la région. Comme la voix déjà omniprésente d’un démarcheur avide émergeant au détour d’un virage dans la séquence d’ouverture, le chantier gronde comme un prédateur montrant son visage une fois la victoire déjà assurée. La terre broyée apparaît comme une carcasse encore fumante, livrée à des charognards métalliques. Face à cette inévitable destruction, une brume transcende les paysages costariciens procurant à ses habitant·e·s un abri pour attiser les braises d’une révolte légitime.  Fantasmagorique, cette brume est construite par une mise en scène aérienne comme une entité mouvante et parlante guidant Domingo (Carlos Ureña). 

Alors qu’il répète à sa fille Sylvia (Sylvia Sossa) qu’il « n’[est] pas fou », Domingo reçoit à travers la brume les visites de sa femme morte depuis plusieurs années qui aurait décidé d’être le vent afin d’« éviter le mystère de ne savoir que faire de son corps ». Alors que Domingo parle toujours seul lors de ses fameuses interactions, Domingo et la brume bouleverse les perceptions afin d’égarer le spectateur·rice dans une hallucination sonore et visuelle. Entre mysticisme et alcoolisme, Ariel Escalente Meza compose un microcosme organique aux strates poreuses. Quasi-fantôme d’un monde agraire en perdition, Domingo oscille entre l’oppression de la société humaine où chaque interaction est enfermée dans un cadre exigu ; et la libération formelle d’un monde naturel (et ésotérique) qu’il épouse progressivement. Le vieil homme devient l’unique défenseur d’un monde condamné, suspendu entre le paradis et l’enfer selon les paroles sibyllines de la brume. 

Perturbée par une mafia motorisée dont le bruit hante les nuits costaricaines, l’œuvre documente un double processus d’effacement politique. D’abord, celui d’un territoire périphérique et agraire qui est sacrifié sur l’autel d’un capitalisme déguisé en progrès. Reculées, les montagnes du Coronado sont le refuge d’êtres jusque-là en errance à l’instar de Yendrick (Esteban Brenes Serrano), dont la fuite aura été le seul moyen de protéger la femme qu’il aimait de ses addictions. Pourtant, Ariel Escalante Meza ne propose ni rédemption ni oubli insistant, à travers les mots de l’addict, sur le fait que « le passé sera toujours le passé » et qu’ « il n’y a pas de retour en arrière ». Ensuite, Domingo et la brume relate, par extension, l’effacement mémoriel d’un pan de la société costaricaine. Chevalier sans armure, Domingo devient le protecteur d’une âme rurale qui, par l’entremise de la brume, devient lentement amnésique. Ouvertement politique, l’expropriation racontée n’est pas réduite uniquement à une dimension économique. Ici, il est question de sublimer les derniers soubresauts d’un monde voué à disparaître dans le bitume et dans la violence.  

Le Cinéma du Spectateur
☆☆☆– Bien