Django Unchained : La Violence du fait historique

Django Unchained, Quentin Tarantino

La filmographie de Quentin Tarantino est faîte pour se confronter au Western. C’est dans ce genre si distinctif qu’il puise les caractéristiques si particulières de sa mise en scène et de ses scénarios. L’élément angulaire des récits tarantiniens est le basculement de la violence d’une sphère publique à une sphère privée par le passage à l’acte de la vengeance. Ainsi après Beatrix Kiddo contre Bill (Kill Bill) et Shosanna Dreyfus contre les Nazis (Inglorious Basterds), c’est au tour de Django de prendre sa revanche sur la société esclavagiste américaine du XIXe. Le penchant de Tarantino pour le Western trouve ses prémisses dans Inglorious Basterds. Il partage déjà, comme dans la scène de mise à morts des nazis dans les bois par le lieutenant Aldo Raine (Brad Pitt), l’énergie de la mise en scène du genre qui se base sur un changement de plans larges en gros plans. Un jeu de regard sert d’intermédiaire entre les deux échelles mettant tant en valeurs les tensions humaines que les tensions géographiques de paysages décharnés. De plus, le Western est surtout le genre de la violence froide et réfléchie. On dépasse le stade animal du film d’action pour entrer dans les méandres de la frustration humaine ce qui sied aux personnages torturés et tortueux du réalisateur. Ainsi plutôt que de n’être qu’un simple film d’inspiration, Django Unchained marque la renaissance du Western, qui pourtant avait bel et bien été enterré. Il ajoute son univers nerveux, macabrement drôle et sa fougue. On pense alors à la cocasse scène de fuite lorsque le Dr King Schültz (Waltz) tue le shérif engendrant une fuite risible des habitants curieux. Quentin Tarantino est un réalisateur de film de théâtre. J’entends par là qu’il dirige ses acteurs comme sur une scène. Il existe un jeu tarantinesque dont la muse est incontestablement Chritoph Waltz. Il est l’incarnation même de l’esprit nerveux et bipolaire des personnages de Tarantino qui oscillent sans crier gare entre tranquillité et folie. Ses personnages ne parlent pas, mais ils déclament des répliques ciselées. Un univers dans lequel les premiers pas de Leonardo DiCaprio sont une éclatante réussite.

Django Unchained, Quentin TarantinoDjando Unchained est également la poursuite de l’incursion du cinéma de Tarantino dans le film d’époque. S’il jouait de cette étiquette dans Inglorious Basterds en modelant l’histoire à sa manière, Django Unchained se veut plus historiquement réaliste. Il trouve peut-être un monde à son image, c’est-à-dire régit par la violence brute et animale. Son nouveau long-métrage est du coup sans doute son film le plus dur pour le spectateur qui peut croire en cette violence et ne plus la voir comme une manière jouissive d’assouvir ses passions. C’est peut-être la limite du film de Tarantino. En effet, il s’oppose à ses propres motifs en prenant le parti de justifier la violence si caractéristique de son œuvre. Il perd ainsi une partie de sa démence si jubilatoire. Il s’enfonce de plus en plus dans un manichéisme peu subtil : les Nazis, les Négriers. Djando Unchained est alors un film de société qui dénonce l’histoire en remettant au centre de la pensée collective les exactions de l’esclavagisme et les horreurs qui en découlent. La nouveauté historique qu’apporte le film de Tarantino, c’est la complexe hiérarchisation des « races » à laquelle se juxtapose la hiérarchisation au sein même des races. Ce qui surprend d’ailleurs, c’est de voir cette deuxième couche de dominants-dominés. En effet, dans la misérable condition des esclaves noirs, certains deviennent eux-mêmes des Négriers dont les méthodes sont encore plus inhumaines et tortionnaires.

Django Unchained, Quentin TarantinoDjango Unchained continue le tournant amorcé par Quentin Tarantino depuis Inglorious Basterds. Il signe des films de plus en plus empreints de social et d’histoire dans lesquels sa violence s’assagie se perdant dans le sérieux des problèmes qu’il aborde.

Le Cinéma du Spectateur

Note: ☆☆☆✖✖ – Bien