Woody Allen s’est toujours placé dans le rôle du génie incompris, sauf que dans son cas, ce n’est pas le reste du monde qui ne le comprend pas, mais lui-même. Cette posture psychologique face à son propre art lui a toujours permis d’éviter les foudres de la presse qui reçoit ses films en chefs d’œuvre ou tièdement. Mais, il est certain que Woody Allen est en train de couler. Son radeau esquissé par « Minuit à Paris » ne fonctionne finalement pas. Sans doute que l’air parisien lui sied mieux que celui de Rome. Depuis « Match Point » en 2005, film étonnant dans sa filmographie, Woody Allen se perd dans un voyage européen qui s’éternise. Il est le cinéaste de la ville, le cinéaste de la classe bourgeoise d’un New-York dont il est l’âme. Mais, le Woody Allen globe-trotteur ne rassemble dans son sac à dos que les mauvais côtés de son cinéma. Certes, il a toujours des éclairs de génie: le rôle de Pénélope Cruz dans « Vicky Cristina Barcelona » (le seul grand rôle de l’actrice non-écrit par Almodovar), l’alter-égo d’Allen dans « Whatever Works »… Mais son cinéma est devenu bavard. On peut dire qu’Allen a toujours été le cinéaste des dialogues, le scénariste de la parole. Mais, le contenu n’est plus. Il reste seulement un assemblage de phrases creuses. Où est passé l’humour si spécial de l’auteur ?
Pour palier sa vision péjorative de sa filmographie, Woody Allen a toujours dit qu’il privilégiait la quantité à la qualité, en espérant que dans le tas, un ou deux films seraient réussis. Mais, vu les chefs d’oeuvre qu’il laisse derrière lui, ne devrait-il pas maintenant prendre le temps de faire des films aboutis. « To Rome With Love » donne l’impression d’être un film fait à la va-vite. Le réalisateur ne se pose pas sur la ville de Rome, il la survole seulement. Il n’apporte qu’une vision superficielle de Rome et de ses habitants. Les clichés pleuvent sur Rome, les monuments à voir sont vus. Mais dans tout cela, Woody Allen ne crée rien. Certains se plaignaient du côté carte postal du Paris allenien, mais que diront-ils alors du Rome qu’il dessine ?
« To Rome With Love » montre le nouvel amour du cinéaste pour le film choral. Sauf que l’intérêt du film choral ne réside qu’uniquement dans l’entrelacement des histoires. « Babel » de Alejandro Gonzales Inarritu n’aurait certainement pas la même saveur si les histoires n’étaient pas relier par la vente d’un fusil des années auparavant. « To Rome With Love » n’est alors qu’un banal film à sketchs. Woody Allen aurait du moins éparpiller son scénario dans la futilité de certaines histoires: la partie avec Benigni est si mauvaise que sa présence à l’écran en devient agaçante, l’inutilité du rôle de Alec Baldwin dans le segment Eisenberg-Page. Mais l’esprit de Woody Allen perce quand même de temps à autre le brouillard qui s’abat sur son film. Le Segment Eisenberg-Page rappelle le trio amoureux de « Vicky Cristina Barcelona » sans folie meurtrière, le côté doux et soft. N’oublions pas également la partie qui marque le retour en tant qu’acteur de Allen. C’est dans cette partie que ressort l’absurdité comique qui parcourt certains films de son oeuvre. Sa frénésie, son débit de parole, et les travers de son personnage sont le charme même des scénarios alleniens. Cependant, les moments de répit dans la lourdeur de « To Rome With Love » sont bien trop minces pour oublier les défauts et les ficelles (si visibles) de ce film touristique.
Il ne reste plus qu’une chose à faire pour sauver le cinéma de Woody Allen: lui offrir un billet pour New-York.
Note: ✖✖✖✖✖ – Nul


