Les 10 films de 2022 : Se libérer du regard

Sortie d’un songe sans rêve, Sangok (Hye-Young Lee) inaugure Juste sous vos yeux en prophétisant que « toutes les choses devant [ses] yeux sont une bénédiction ». À l’instar de Hong Sang-Soo, l’actrice réaffirme l’importance du regard, pensé comme une manière consciente et active d’appréhension de son environnement. Performatif autant pour elle que pour le·a spectateur·rice, ce mantra devient le symbole d’une année riche où les cinéastes accordent à la trivialité du quotidien une bénédiction le métamorphosant en trésors. Comme maudit, ce regard sacré sur le présent naît chez Sangok à condition que la possibilité d’un futur s’estompe. Cette annihilation des autres temporalités, passé et futur, permet une reconfiguration immaculée de l’identité. Dans la ville géorgienne de Koutaïssi, un mauvais œil espiègle altère l’identité de deux amoureux·ses voué·e·s à s’aimer. Chez Aleksandre Noberidze (Sous le ciel de Koutaïssi), le présent, libéré de toutes contraintes identitaires, devient un territoire d’exploration dans la langueur de l’été. Pour Lisa (Ani Karseladze/Oliko Barbakadze) et Giorgi (Giorgi Bochorishvili/Giorgi Ambroladze), l’apprentissage d’une nouvelle manière de regarder permet à la fois une redécouverte de soi et de l’autre. 

Dans cette même recherche d’un soi cinématographique, l’œuvre collective Qui à part nous soulève un enjeu cinématographique et politique du cinéma, principalement documentaire, en cherchant à créer un lien direct entre le sujet et la narration. Jonás Trueba questionne les jeunes sur la manière dont iels se sentent représenté·e·s au cinéma. Alors qu’iels affirment que leurs vies sont dramatisées à outrance – notamment par le prisme de l’addiction à la drogue, l’une des adolescent·e·s avoue qu’elle souhaiterait qu’iels soient représenté·e·s « comme des personnes ». La simplicité de la réponse témoigne avec force de la distance qui s’est instaurée entre la jeunesse et celleux qui les regardent. Dans Toute une nuit sans savoir, Payal Kapadia documente avec cette même question, la place d’une jeunesse en révolte dans une société politiquement figée (notamment par les castes), les manifestations étudiantes en Inde commencées en 2017. Avec une mélancolie teintée des fantômes des vies détruites, la cinéaste illustre l’immuabilité d’un présent asphyxié par le poids du conservatisme de la société indienne. Dans un geste cinématographique exquisément anticonformiste, João Pedro Rodrigues transfigure dans Feu follet le poids de l’histoire portugaise à l’aune d’une fantasque réécriture queer où le territoire devient le corps de pompiers pansexuels, leur pénis symbolisant les différents domaines forestiers du pays. En déplaçant son regard en dehors des codes préétablis, le cinéaste portugais renoue avec l’inattendu, sublimant les interstices d’une histoire officielle dans lesquels demeurent la richesse des modes de vie alternatifs.

À travers le corps touché par la grâce d’Elsa Wolliaston, Damien Manivel ressuscite, en prônant une radicalité cinématographique transcendantale, une spiritualité préchrétienne dépouillée de tout diktat ecclésiastique. Marie-Madeleine forge son propre culte christique trouvant dans son rapport intime avec Jésus une passerelle émotionnelle entre les temporalités et les réalités. Dans un même geste libérateur d’une domination institutionnelle et instituée que chez Rodrigues, Magdala replace l’individu au centre de la notion de spiritualité offrant à sa protagoniste, via la puissance figurative du medium cinématographique, le don de sculpter l’invisible. Chez Albert Serra, le politique est également une mise en scène qui s’exprime par le biais du corps. À l’inverse de Damien Manivel, Pacification – Tourment sur les îles prône une débauche verbale qui se vautre dans une vacuité formalisée. L’étirement des séquences transforme les échanges entre De Roller (Benoît Magimel) et les concitoyen·ne·s en des monologues absurdes louant le néant des manœuvres d’un pouvoir toujours colonialiste. L’œuvre se fait le miroir critique, transcendé par les néons du « Paradise Night », d’un exotisme difforme où le·a Tahitien·ne n’est vu·e – par les personnages blancs – qu’à travers leurs propres fantasmes. 

Dans un même mouvement de libération d’un regard préconçu – celui d’une société intellectuelle française scrutant le visage d’un paysan séminariste de 17 ans ayant décapité un enfant de 12 ans, Bruno Reidal libère son protagoniste éponyme, par le biais de l’écriture d’abord factuelle (son milieu social, sa famille) puis poétique, non dans le sens d’une franchise chrétienne expiatoire, mais dans la démonstration sincère, car ressentie, d’une perversité assumée. Bruno (Dimitri Doré) s’extirpe de son statut de cobaye psychosociologique qui le définit dans un premier temps : « 1m62, 50kg, apparence délicate, carrure faible… ». Littéralement mis à nu, il se meut en bétail sacrificiel, déjà condamné, semblable au cochon égorgé chaque année chez les Reidal. C’est d’ailleurs par le prisme du monde animal que le cinéma aura atteint cette année ses sommets d’abord formellement par la réalisation extraordinaire qui accompagne les pérégrinations de l’âne martyr de Jerzy Skolimowski (EO), dressant à travers ses yeux le portrait d’une humanité prédatrice et avide. Cependant, c’est par le travail documentaire d’Andréa Arnold autour de la vie d’une vache dans Cow que le cinéma se libère avec une force inouïe de tous les biais de son regard. La cinéaste anglaise accompagne le regard de sa protagoniste laitière, acceptant pleinement sa position de reflet d’une intériorité psychologique invisibilisée.   

Le classement qui suit prend en compte les œuvres sorties en 2022 à la fois en salles et sur les plateformes de VOD ou de streaming. De plus, il considère également les œuvres vues en festival dont la sortie en France, faute de distributeurs intéressés, reste encore incertaine – de la sorte Days de Tsai Ming-Liang a été comptabilisé pour l’année 2020 et Vitalina Varela de Pedro Costa pour l’année 2019. 

10. Cow,
Andrea Arnold
(Royaume-Uni)

9. Feu Follet,
João Pedro Rodrigues
(Portugal)

8. Qui à part nous,
Jonás Trueba
(Espagne)

7. Juste sous vos yeux,
Hong Sang-Soo
(Corée du Sud)

6. Sous le ciel de Koutaïssi,
Aleksandre Koberidze
(Géorgie)

5. EO,
Jerzy Skolimowski
(Pologne)

4. Magdala,
Damien Manivel
(France)

3. Toute une nuit sans savoir,
Payal Kapadia
(Inde)

2. Bruno Reidal – Confession d’un meurtrier,
Vincent Le Port
(France)

1. Pacifiction – Tourment sur les îles,
Albert Serra
(Espagne, France)

Le Cinéma du Spectateur

Les 10 films de 2021 : Aux confins des cauchemars naît la lumière

Dans Atarrabi et Mikelats [France/Belgique], Eugène Green questionne, en adaptant le mythe basque des deux fils de la déesse Mari, la frontière entre le bien et le mal. Faisant fi de la notion de déterminisme – être élevé par le diable conduit-il forcément à être un démon ? –, Atarrabi impose une image pastorale où la lumière ne rencontre aucune résistance, pas même son ombre retenue par son ancien précepteur. Face à lui, l’univers de Mikelats se résume à une noirceur fantaisiste. Eugène Green sculpte dans la roche des grottes du Pays basque un monde clos, enfermé dans sa propre démonialité. Deux œuvres américaines clôturant l’année 2021 partagent ce même penchant pour un monde crépusculaire. D’un côté, les corps dansant du West Side Story [États-Unis] de Steven Spielberg nous plongent dans un New-York en ruines où les luttes mortelles ne sont plus qu’un moyen de survivre face au rouleau compresseur du capitalisme. La ville n’appartiendra à aucun des deux mondes dans ce processus d’ostracisation des classes populaires de l’Upper West Side. De l’autre, Paul Schrader confronte les Etats-Unis à leurs propres cauchemars, notamment autour des images sordides de la prison d’Abou Ghraib, dans The Card Counter [Etats-Uni/Grande-Bretagnes]. Dans les lumières factices des casinos se forme une façade cachant les névroses et la soif de vengeance d’une société gangrénée par ses propres représentations mortifères. Chez Leos Carax (Annette [France/Allemagne]), l’abysse – qu’elle soit intime ou sociétale – convoquent les personnages joués par Adam Driver et Marion Cotillard dans un ballet lugubre où la mort, et sa théâtralisation, est la seule manière d’atteindre le sublime.  

         Ces mêmes ténèbres dévorant inlassablement l’humanité se retrouvent parmi les protagonistes de Notturno [Italie]. Œuvre sur la résilience, le documentaire de Gianfranco Rosi enregistre à contrario les regains de vie qui empêchent les espaces qu’il filme de devenir des vestiges fantomatiques du passé – contrairement aux villages géorgiens dont l’âme, symbolisé par des arbres centenaires, est arrachée et transportée par camion ou bateau dans le documentaire Taming the garden [Suisse/Géorgie] de Salomé Jashi présenté au Cinéma du Réel. Au cœur du Kentucky de The Last Hillbilly [France], la terre s’est gorgée de la même violence. Le documentaire de Diane Sara Bouzgarrou et de Thomas Jenkoe témoigne de vies précaires où le nous est à la fois une solidarité vitale, qu’elle provienne de la famille ou de la communauté, et un fardeau transmis de génération en génération, forgé par la peur, l’inquiétude et le deuil. Face à l’ulcération des sociétés entraînant une abdication quasi-collective de ses membres, des figures inébranlables s’érigent et existent politiquement par le simple fait d’être là. Luttant contre un état d’oppression et d’étouffement structurel, elles servent de phares dans les cauchemars d’une mondialisation néolibérale : Malika – la gardienne du vide (143 rue du désert [Algérie], Hassen Ferhani) ; Tierno – le magnanime imam (Le Père de Nafi [Sénégal], Mamadou Dia) ; France – la femme-territoire du Nam Ngum (Goodbye Mister Wong [France/Laos], Kiyé Simon Luang), Mantoa – l’inébranlable doyenne (L’indomptable feu du printemps [Lesotho], Lemohang Jeremiah Mosese) ; ou encore Freda – la partisane d’une révolte haïtienne (Freda [Haïti], Gessica Généus).

         En écho à la pandémie sévissant hors des écrans, le cinéma s’est transformé en 2021 en un espace pathogène. Au sens littéral, la covid-19 a transfiguré les récits (le tournage arrêté de Journal de Tûoa [Portugal] chez Maureen Fazendeiro et Miguel Gomes) et les représentations (le tribunal populaire masqué de Bad Luck Banging or Loony Porn [Roumanie] chez Radu Jude). De la même manière que dans le film de Radu Jude, Kirill Serebrennikov (La Fièvre de Petrov [Russie]) voit dans la maladie, et dans le bouillonnement hallucinatoire qui en découle, un réceptacle des maux moraux de la société. Flirtant avec le burlesque, les deux cinéastes théâtralisent le réel afin d’en exacerber les limites. À l’inverse, la psychose autour d’un bruit mystérieux déchirant la nuit de Medellin conduit chez Apichatpong Weerasethakul (Memoria [Colombie/Thaïlande]) à la quête d’une altérité. Dans une reconquête sensorielle et émotionnelle, Jessica (Tilda Swinton) devient l’émettrice empathique d’une nouvelle perception du monde résultant de la coprésence de plusieurs strates mémorielles. Pour Maya Da-Rin (La Fièvre [Brésil]), la maladie se sépare du corps pour prendre les formes d’une entité surnaturelle et omnisciente. La maladie se transmet alors de la terre exploitée à l’homme exploité qui ne font alors plus qu’un. Dans Teddy [France] de Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma se tisse un même lien entre territoire menacé et folklore monstrueux. Bien que loup-garou sanguinaire, Teddy (Anthony Bajon) est également le dernier rempart contre l’exode rural d’une jeunesse qui ne peut envisager l’avenir qu’en-dehors de l’enceinte du village. Rêvant d’une pergola donnant sur la vallée, il occupe le territoire catalan, le réclame et le parcourt tel un loup. Teinté de la notion de malédiction, le fantastique en 2021 a bousculé l’ambivalence autour de la figure du monstre à l’instar de la famille recomposée dans Titane [France]. 

         Dans l’œuvre de Julia Ducournau, la force du factice lien père-fils entre Vincent (Vincent Lindon) et Alexia (Agathe Rousselle) réside dans la croyance placée par les personnages dans l’infini possibilité qu’offre cette nouvelle vérité. De Wendy [Etats-Unis] de Benh Zeitlin à Benedetta [France/Pays-Bas] de Paul Verhoeven en passant par La Nuit des Rois [Côté d’Ivoire] de Philippe Lacôte, retentit l’importance des récits et des conteurs qui, comme Florence Miailhe (La Traversée [France]), par leur poésie partagent les souffrances des êtres. Dans un monde en constant désenchantement et où l’utopique horizon semble se brouiller, l’image est un espace pervers qu’il est nécessaire de savoir décrypter afin de ne pas trouver derrière l’effervescence du poétique la rigidité de l’idéologie. L’image peut été falsifiée (France [France], Bruno Dumont) et falsificatrice (Il n’y aura plus de nuit [France]). Comme chez Para One (Spectre : Sanity, Madness & the Family [France]), elle renferme à la fois le secret, le mensonge et la vérité. L’image réclame et engendre une élévation intellectuelle. Elle nous contraint à prendre de la hauteur – au sens propre (Le Sommet des Dieux [France], Patrick Imbert) ou figuré (Gagarine [France], Fanny Liatard et Jérémy Trouilh) – pour contempler l’essentiel : le bonheur qui se niche dans les interstices de nos cauchemars aussi bien dans le hasard d’une rencontre fortuite (Le Compartiment n°6 [Finlande] Juho Kuosmanen) que dans les petits riens qui composent le quotidien (First Cow [Etats-Unis], Kelly Reichardt). 

Le classement qui suit prend en compte les œuvres sorties en 2021 à la fois en salles et sur les plateformes de VOD ou de streaming. De plus, il considère également les œuvres vues en festival dont la sortie en France, faute de distributeurs intéressés, reste encore incertaine.

10. Goodbye Mister Wong,
Kiyé Simon Luang
(France, Laos)

9. Spectre: Sanity, Madness & The Family,
Para One
(France)

8. Ham On Rye,
Tyler Taormina
(États-Unis)

7. Notturno,
Gianfranco Rosi
(Italie)

6. The Last Hillbilly,
Diane Sara Bouzgarrou & Thomas Jenkoe
(France)

5. The Card Counter,
Paul Schrader
(États-Unis)

4. La Fièvre,
Maya Da-Rin
(Brésil)

3. First Cow,
Kelly Reichardt
(États-Unis)

2. Il n’y aura plus de nuit,
Eléonore Weber

(France)

1. Memoria,
Apichatpong Weerasethakul
(Colombie, Thaïlande)

Le Cinéma du Spectateur

Les 10 films de 2020 : L’exaltation du Présent

L’analyse du TOP 10 de 2019 se clôturait sur la cristallisation d’un désir cinématographique, doublé d’une urgence sociale, de voir émerger une résistance politique et poétique. Le cinéma aura auguré l’ampleur nouveau des frictions sociales en cours et fantasmer la réussite, libératrice et vengeresse, des luttes à venir. L’année 2020, marquant le déclassement politique de la culture orchestré par un gouvernement aveugle, entraîne le glissement des luttes de l’écran à la rue, dans une même ardeur et autour de figures révolutionnaires issues du rang des dominé.e.s. Le monde du cinéma a connu le même basculement vers les voix dominées : lorsqu’il n’aura pas été contraint de s’exporter vers des plateformes VOD ou de streaming, le cinéma s’est maintenu derrière l’étendard de l’indépendance. Dépouillé des mastodontes, il a brillé à travers des ilots artistiques alternatifs – sortant des habituels cadres de production, de distribution et surtout de médiatisation. Il aura fallu attendre le silence forcé des blockbusters pour voir émerger, auprès du grand public, une myriade de distributeurs indépendants acharnés, de premiers long-métrages remplis de vie et d’œuvres réalisées par des femmes. 2020 n’est pas une année oubliable, mais bien une année où les dominé.e.s ont fait exister, par leurs voix et leurs imaginaires, une vitalité politique et culturelle.

Les discours cinématographiques en 2020 se sont resserrés, à l’instar de nos réalités confinées sans horizon, sur le temps présent pour en célébrer la beauté existentielle (Eva en Août de Jonás Trueba), l’absurdité politique (Énorme de Sophie Letourneur) ou encore l’implacable vérité (Days de Tsai Ming-liang). La fiction cinématographique a réinterprété son rapport au présent, comme temporalité inflexible et oppressive par essence – notamment pour les femmes, d’Eliza Hittman (Never Rarely Sometimes Always) à Melina León (Canción sin nombre). À partir de ce constat, le présent s’appréhende soit comme une mécanique impitoyable (Uncut Gems des frères Safdie) soit comme une parenthèse émancipatrice du réel (La femme qui s’est enfuie de Hong Sang-soo). Dans cette minutieuse dissection de notre époque, le présent renoue enfin avec sa force incontestable et son souffle contestataire occultés par la morosité fascisante imposée par les gouvernants. Les luttes populaires (Un pays qui se tient sage de David Dufresne), politiques (City Hall de Frederick Wiseman) et personnelles (Petite fille de Sébastien Lifschitz) ont su mettre en lumière et en actes les utopies qui les traversent. Se réconciliant avec une corporéité égarée, ces luttes ont interrogé politiquement le corps comme espace dichotomique entre désir sexuel et lieu d’oppression économique (Douze Mille de Nadège Trebal), comme espace de vulnérabilité sensorielle et mentale (Si c’était de l’amour de Patric Chiha) ou encore comme espace d’une vitale et protéiforme socialisation (Playing men de Matjaž Ivanišin).

Dans le lien implicite que l’esprit humain construit entre présent et réel, le cinéma trouve sa vocation première en transcendant les deux dans une quête émancipatrice vers le poétique. Ce ré-enchantement se caractérise par la capacité de l’art cinématographique à mettre en images (et donc à rendre tangible) les interstices du réel où spiritualité (Kongo de Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav) et surnaturel (Ondine de Christian Petzold) se brouillent et apposent ensemble un mystère propice à la réflexion sur les strates du présent. Or, c’est justement par cette conscience du présent, comme temps qui s’écoule inlassablement, que l’être humain écrit et planifie sa propre existence – à l’instar de la malédiction affectant le protagoniste de Tu mourras à 20 ans d’Amjad Abu Alala. De ces récits mémoriels, les cinéastes construisent des œuvres poétiques, car libérées de toute contrainte réaliste (annihilant tout discours idéaliste ou métaphysique), qui réinvestissent le passé (La Métamorphose des oiseaux de Catarina Vasconcelos) ou la psyché (Los Conductos de Camilo Restrepo) de toute sa puissance signifiante.

Le classement qui suit prend en compte les œuvres sorties en 2020 à la fois en salles et sur les plateformes de VOD ou de streaming. De plus, il considère également les œuvres vues en festival dont la sortie en France, faute de distributeurs intéressés, reste encore incertaine.

10. La femme qui s’est enfuie,
Hong Sang-soo
(Corée du Sud)

La femme qui s'est enfuie, Hong Sang-soo (Corée du Sud)

9. City Hall,
Frederick Wiseman
(États-Unis)

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8. Ondine,
Christian Petzold
(Allemagne)

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7. Si c’était de l’amour,
Patric Chiha
(France)

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6. Séjour dans les monts Fuchun,
Gu Xioagang
(Chine)

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5. Los Conductos,
Camilo Restrepo
(France, Colombie)

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4. Kongo,
Hadrien La Vapeur & Corto Vaclav
(France, République du Congo)

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3. Douze Mille,
Nadège Trebal
(France)

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2. Eva en Août,
Jonás Trueba
(Espagne)

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1. La Métamorphose des oiseaux,
Catarina Vasconcelos
(Portugal)

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Le Cinéma du Spectateur

Les 10 films de 2015 : Réenchanter l’image

Au début de l’année 2015, Réalité (Dupieux, France) apparaît comme un manifeste dans sa réaffirmation de l’image, dans sa simplicité, comme langage fantastique proprement cinématographique. En entremêlant réel et fiction, il forme un labyrinthe fantasmagorique où les créateurs et les monstres (les télévisions exploseuses de cervelles) jouent sur le même de degré de réalité. Il y a une autonomisation du récit filmique où le fantastique joue le rôle de déclencheur à l’instar de l’ouverture de Fou d’Amour (Ramos, France). La tête fraîchement tranchée d’un curé (Melvil Poupaud) transgresse les règles de la vraisemblance pour raconter ce qu’il a amené à être jugé par des hommes face à des spectateurs jouant le rôle de Dieu au moment du jugement dernier. Les éléments fantastiques trouvent alors une existence à nu, sans l’appui des effets spéciaux, pour devenir non plus un gadget, mais une réalité alternative acceptée par le spectateur. Selon cette idée, Vincent n’a pas d’écailles (Salvador, France) présente le premier super-héros sans trucage numérique. Ce premier film inscrit son univers fictionnel, cinégénique, dans la réalité d’un village rural. De cette volonté de rendre tangible l’intangible, Vers l’autre rive (Kurosawa, Japon) tire sa force et sa beauté. Ses fantômes sont des êtres sensibles et palpables qui subliment une réflexion onirique sur la souffrance du deuil vue comme la perte d’un sens premier, le toucher, entre des corps réels et absents. Dans Les Nuits blanches du facteur (Kontchalovski, Russie), la confrontation s’étend aux espaces qui se nourrissent, lors d’une scène en barque entre Alexei et son jeune voisin, des mythes faisant de la forêt le sanctuaire d’une créature magique. La magie et la peur se lient par la force paradoxale de la suggestion, de l’invisible.

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La disparition est un élément central d’un cinéma cherchant une spiritualité ou une histoire disparue. Les corps évanescents des soldats de Ni le Ciel Ni le Terre (Cogitore, France) font écho aux différentes représentations du monde, l’ultra-rationalisme des Occidentaux et l’imaginaire de croyances des bergers afghans. Chacun cherche une vérité, sa vérité, face à un destin onirique échappant aux contrôles des hommes.Valley of Love (Nicloux, France) rejoint cet aveuglement rationnel face à l’absence avec ce couple séparé depuis des années, formé par Huppert et Depardieu, qui se retrouve dans la Vallée de la Mort pour attendre le retour de leur fils mort depuis 6 mois. Le corps absent joue le rôle de créateur de vie, un appui pour entamer une reconstruction personnelle et mentale. Il y a l’idée qu’il faut voir pour croire, que l’image rétinienne ou filmique apporte une vérité, une explication sur le monde qui nous entoure. Avec Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin (Israël), Amos Gitaï fait du corps supprimé du Premier ministre israélien une source d’interrogations politique et cinématographique qu’il résout en créant un dialogue entre les images réelles (archives) et les images fictionnelles (reconstitution). L’image cinématographique remplit les vides de l’Histoire. Ce rapport cinéma/histoire pose la question du travail de la mémoire au sein de l’image, mais aussi des actions des protagonistes. Dans Le Fils de Saul (Nemes, Hongrie), Saul (G. Röhrig) lutte, non plus pour la survie des corps, mais pour la survie mémorielle d’une communauté vouée à disparaître. Le corps comme transmission se retrouve dans un scène sublime de Cemetery of Splendour (Weerasethakul, Thaïlande). A travers le corps de deux femmes dont l’une médium, les époques dialoguent. Une forêt se transforme, par la force de l’esprit, en ancienne résidence princière. Leurs corps ne répondent plus au temps présent, mais à celui du passé : parties dans un réalité autre que celle du spectateur, elles esquivent des poutres invisibles, cherchent des portes absentes et regardent des trésors déjà disparus.

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L’année 2015 est parcouru ainsi par la nécessité de (re)créer une mythologie à des sociétés désubstantialisée par la crise mondiale. Avec ses récits des Mille et Une Nuits (Portugal), Miguel Gomez offre à son pays sclérosé un nouvel imaginaire, une nouvelle échappatoire : les prisonniers de la crise rêvent de faire chanter les oiseaux tandis que les djinns prennent leur envol ou le fantôme d’un chien devient le lien qui unit les habitants d’un immeuble. Au-delà des Montagnes (Zhang-Ke, Chine) suit la même logique en créant une épopée moderne autour des démunies de la mondialisation, les provinciaux chinois. Oeuvre à dimension prophétique, elle scelle le destin d’un pays qui disparaît, comme sa langue et ses racines dans la 3e partie se déroulant en 2025, face à son expansion exponentielle. Ce volonté de rattachement au passé qui nourrit le personnage de Dollar (D. Zijian) obsède également le journaliste Ibn Battutâ de Révolution Zendj (T. Teguia, Algérie/Liban). Après un reportage sur des affrontements communautaires au sud de l’Algérie, il part sur les traces de révoltes oubliées du IXe mettant en résonance le passé et le présent. Histoire de Judas (Ameur-Zaïmeche, France) tient sa force également de la juxtaposition de temporalité avec sa réécriture de l’épisode de l’arrestation de Jésus-Christ. Les personnages s’inscrivent dans les palais en ruine montrant la chute future de ceux qui dominent alors le monde, les Romains. Ces différents films défendent la capacité du cinéma à porter les espérances d’un peuple, d’une société ou de l’humanité tout entière. Taxi Téhéran (Panahi, Iran) montre, en jouant sur les rapports entre le réel et la fiction, la nécessité de s’approprier les images (en tant que cinéaste, mais aussi simplement en tant que spectateur ou pirate) pour créer un discours, une mythologie, propre à soi.

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Le cinéma documentaire a aussi été parcouru par cette volonté de s’approprier les évènements traumatiques de l’Histoire pour donner corps et image aux disparus. Le Bouton de Nacre (Guzman, Chili) trouve sa grandeur dans ses passerelles entre le massacre des Amérindiens et celui des opposants à la dictature au Chili. Le cinéma de Guzman est profondément mémoriel en servant de témoignage pour le futur (la beauté du récit de voyage d’une vieille Amérindienne dans sa langue natale vouée à s’éteindre) et pour le passé (la reconstitution avec un mannequin du processus de disparition des corps sous Pinochet). Dans Parole de Kamikaze (Sawada, Japon), il y a également une reconstruction, distanciée par le biais de jouets, de la manière dont les kamikazes attaquaient les navires ennemis fait par celui qui choisissait ceux qui allaient mourir. Le réalisateur confronte ainsi le bourreau à des corps absents déjà engloutis par la guerre. Joshua Oppenheimer (The Look of Silence, Danemark/Indonésie) organise, quant à lui, véritablement une confrontation entre les bourreaux et le frère d’une victime lors de l’ « épuration » idéologique  de 1965 en Indonésie. Au lieu de reconstruire des évènements, Aleksandr Sokurov s’attèle à reconstruire des hommes dans Francofonia. Dans le Paris de 1940, il retrace la rencontre entre Jacques Jaujard, directeur du musée du Louvre, et le comte Franz von Wolff-Metternich, chef de la Kunstschutz, qui s’unissent pour préserver les collections du musée. Dans une scène grandiose, Sokurov supprime la distance de la reconstitution en filmant les deux hommes frontalement pour leur raconter en voix-off leur futur : l’oubli pour le premier, la reconnaissance pour le second. Il montre que l’Histoire n’est pas une réalité, mais véritablement une construction qui choisit, parfois maladroitement, ses figures et ses héros.

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Une oeuvre semble être à contre-courant de cette volonté d’un réalisme social et historiciste, Mia Madre (Moretti, Italie). En montrant par le biais du film réalisé par sa protagoniste (Margherita) l’impossibilité d’un cinéma politique, Nanni Moretti se focalise sur la sphère intime ébranlée par les derniers jours d’une mère mourante. Régi par les sentiments dont la peur du deuil et de sa propre mort, le film questionne le réel, l’altère et le déforme. Les personnages cherchent une échappatoire face à l’inévitable : un moyen de se détacher du sol de la même manière que Sangaïlé (J. Steponaityte) dans Summer (A. Kavaïté, Lituanie). De s’émanciper du monde, de ses enjeux politiques ou sociaux, pour partir à la conquête du sentiment pur !

Top. 10 : 

1. Cemetery of Splendour, Apichatpong Weerashetakul (Thaïlande)
2. A la folie, Wang Bing (Chine)
3. Mia Madre, Nanni Moretti (Italie)
4. Les Secrets des Autres, Patrick Wang (Etats-Unis)
5. Le Bouton de Nacre, Patricio Guzman (Chili)
6. Les Mille et une nuits, Miguel Gomez (Portugal)
7. Tangerine, Sean Baker (Etats-Unis)
8. Le Dernier jour d’Yitzhak Rabin, Amos Gitaï (Israël)
9. Il est difficile d’être un Dieu, Alexei Guerman (Russie)
10. Taxi Téhéran, Jafar Panahi (Iran)

Le Cinéma du Spectateur

Les 10 films de 2014 : Genre(s) de Cinéma

L’année 2014 n’aura pas connu, surtout au sein du cinéma français, la richesse qui caractérisait l’année précédente. L’effervescence d’un cinéma marqué par une ambition sociologique face à une société contemporaine en perpétuelle mutation se dissipe pour laisser place à une cinéma centré sur lui-même. L’ambition des cinéastes aura été plutôt de questionner les fondements du cinéma : la narration et les genres cinématographiques qui en découlent.

Under the Skin, Jonathan Glazer

 C’est d’ailleurs la réflexion sur le genre fantastique, et son rattachement à notre réalité, qui aura donné les plus belles images cinématographiques de l’année. Le désenchantement du monde, théorisé par Weber, s’exprime au travers de plusieurs oeuvres présentes dans ce Top 10. D’abord avec Jim Jarmusch (Only Lovers Left Alive) qui fait de ses immortels vampires des personnages baudelairiens. Perdus dans l’immensité de l’existence, ils errent dans un monde en délitement. Plus sages que monstres, ils questionnent les archétypes du fantastique en dévoilant leurs propres limites : le sang est une drogue, l’immortalité un ennui, la mémoire une lassitude. Jim Jarmusch, avec une caméra virtuose, nous donne le vertige du temps. Avec un regard critique, il prolonge d’un « et après ? » toutes les fadaises fantastiques qui prône le Happy End sans en comprendre les enjeux. Ce retournement des codes du fantastique se retrouve également chez Jonathan Glazer qui continue de faire s’entrechoquer réalité/fantastique après Birth (2004). Avec Under the Skin, il réalise l’impensable quête d’humanité d’une entité extraterrestre vouée à tuer. Il inverse la logique du genre en amenant le réalisme au sein du fantastique : des formes géométriques hypnotiques de l’ouverture à la forêt écossaise de la scène finale. Il s’interroge ainsi sur la définition de l’homme au-delà de cette peau qui le caractérise. Un pessimisme (« l’homme est un loup pour l’homme », Hobbes) qui se retrouve dans la confrontation moraliste de Lars van Trier avec Nymphomaniac.

Le Vent se lève, Hayao Miyazaki

Le désenchantement se poursuit avec Hayao Miyazaki (Le Vent se lève) qui confronte son animation à l’épreuve du biopic. En retraçant l’histoire de Jiro Horikoshi – créateur des chasseurs bombardiers japonais de la Seconde Guerre mondiale -, il oppose alors la vision d’un visionnaire déterminé et l’utilisation pratique de ses trouvailles par l’armée. Sans moralisme, le réalisateur nippon trace le portrait d’une envie irrépressible de quitter un monde détruit par l’homme (la guerre) et par une terre épuisée (le séisme de 1923, une des plus belles scènes de l’année). Cette espérance, presque maladive, en une autre voie est le fil narratif de L’Institutrice de Nadav Lapid. La deuxième oeuvre du cinéaste israélien retrace le parcours d’une institutrice, poète amatrice sans grand talent, qui pense déceler chez un de ses élèves de 5 ans un don prodigieux pour la poésie. Ce messie culturel devient alors le symbole même d’une humanité innée qui se distingue de la barbarie justement par cette capacité à créer.

Mommy, Xavier Dolan

De la même manière que Miyazaki, Abel Ferrara évite avec son Pasolini les écueils nombreux du film biographique. En s’intéressant uniquement aux derniers jours du cinéaste italien Pier Paolo Pasolini, il aurait pu facilement tomber dans un misérabilisme et une victimisation d’autant plus que ce dernier est mort assassiné. Néanmoins, Ferrara prend le parti-pris sensé de rendre non pas hommage à l’homme mais à son art. « Scandaliser est un droit. Être scandaliser, un plaisir » (Pasolini) résume parfaitement la vision d’un homme qui combattait le moralisme de la société européenne d’après-guerre. Face au puritanisme, Ferrara fait le portrait des pensées libertaires d’un visionnaire dont les aléas personnels importent finalement assez peu. Xavier Dolan (Mommy) donne, également, ses lettres de noblesses à un genre pourtant longtemps décrié : le mélodrame. Il fait de son cinéma le reflet de la vie, une oscillation violente de moments de bonheur et de détresse. Une vision passionnelle de l’homme sans cesse en lutte avec ses propres démons (ici les troubles de Steve).

Le Paradis, Alain Cavalier

Des cinéastes vont alors encore plus loin en questionnant directement le cinéma dans sa narration. Une narration, d’abord au sein des personnages eux-mêmes chez Hong Sang-Soo (Sunhi), qui se meut en fonction des finalités possibles. Le cinéaste coréen dresse un portrait pessimiste d’une humanité perdue par le gain qui modifie sa perception d’une entité pourtant constante – Sunhi, jeune femme insaisissable -. Dans cet égoïsme, le théâtre d’Hong Sang-Soo se teinte d’une noirceur auparavant absente. Le cinéma expérimental d’Alain Cavalier (Le Paradis) continue cette réflexion sur la narration en présentant un paysage mental où les objets issus d’un capharnaüm tracent un récit emprunt de mythologie et de religion. Avec décalage, Cavalier propose une autre vision du paradis : un espace où règne l’imagination et la culture. Une apologie qui rappelle L’Institutrice de Nadav Lapid.

The Tribe, Myroslav Slaboshpytskiy

Enfin, Myroslav Slaboshpytkiy (The Tribe) propose aux spectateurs curieux une nouvelle façon d’appréhender le cinéma. Sa radicalité et sa géographie (l’Ukraine) rappelle l’audace, également dans une première oeuvre, de Maja Milos (Clip) en 2013 qui croquait la chute de la jeunesse serbe. Le cinéma est-européen est un cinéma percutant et social qui contemple le délitement de ses institutions aux travers d’un voyeurisme qui peut paraître malsain. Néanmoins, la subversion est admirable uniquement si elle n’est pas une fin en soi. Or, le cinéaste ukrainien réalise un geste de cinéma à travers l’histoire de ses étudiants sourd-muets pris dans une spirale de violence. Il propose aux spectateurs un nouveau type de narration : une narration du ressenti. Les dialogues sont alors ceux des corps qui bougent, s’entrechoquent ou se brisent.

TOP 10 :

10. Nymphomaniac, Lars van Trier (Danemark)

9. The Tribe, Myroslav Slaboshpytskiy (Ukraine)

8. Pasolini, Abel Ferrara (Italie, France)

7. L’Institutrice, Nadav Lapid (Israël)

6. Sunhi, Hong Sang-Soo (Corée du Sud)

5.  Le Vent se lève, Hayao Miyazaki (Japon)

4. Le Paradis, Alain Cavalier (France)

3. Mommy, Xavier Dolan (Canada)

2. Only Lovers Left Alive, Jim Jarmusch (Allemagne, Grande-Bretagne)

1. Under the Skin, Jonathan Glazer (Grande-Bretagne)

Cinéma Français, mon amour !

Article rédigé pour Baz’art
Magazine culturel de Paris 1
N°2

Baz'ArtLe « made in France » serait-il seulement viable dans le domaine de la culture ? Il faut dire que le rayonnement de la France repose bien plus sur sa culture que sur son économie. Les cinéastes français, sélectionnés dans tous les festivals majeurs, font resplendir le savoir-faire français et la langue de Molière à travers le monde. Une vitalité qui passe autant par le nombre croissant des festivals consacrés au cinéma français à travers le monde que par le record de nominations (36) à l’Oscar du meilleur film étranger. Un cinéma aimé partout, sauf en France. Paradoxe du spectateur français qui se tourne plus vers les œuvres américaines que françaises sauf pour amener des succès programmés à des divertissements familiaux. Il est vrai qu’on pourrait dire que le cinéma français est bavard, lent ou sentimental. Mais le cinéma français est un art qui dépasse la question du divertissement. L’année 2013 est parfaite pour déclarer son amour à notre cinéma unanimement salué par une Palme d’Or à Cannes avec La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche offerte par les mains du roi d’Hollywood, Steven Spielberg.

La Vie d'Adèle, Abdellatif Kechiche

La force du cinéma français réside dans sa liberté morale : pas d’interdiction de sujets, de scènes ou de mots. Une structure privilégiée qui l’empêche de tomber dans un puritanisme qui gangrène le cinéma américain. Un affranchissement moral qui permet au cinéma français d’être polémique comme ce fut le cas pour La Vie d’Adèle, voyeurisme ou artistique ? Kechiche n’est pas un pornographe mais un réalisateur du corps. Il inclut, par la proximité de sa caméra, le spectateur dans le jeu de séduction charnel qui s’opère entre Adèle et Emma. Une situation qui ne fait qu’accentuer la position de voyeur du spectateur. Alain Guiraudie (L’Inconnu du Lac) filme les lieux de drague homosexuelle à la manière d’une fable. Les corps se vêtissent et se dévêtissent suivant la volonté des corps. Seul le désir charnel s’exprime, une logique qui ne peut se passer de l’exultation de l’acte sexuel comme finalité des désirs. Le réalisateur suit une logique narrative dans laquelle il ne peut jouer le jeu naïf de l’amour platonique. Avec Mes séances de lutte, Jacques Doillon fait d’ailleurs de la frustration sexuelle un moyen d’intensifier la confrontation des corps. Ici, les corps s’entrechoquent dans une violence libératrice pour devenir un ballet d’émotions. Le sexe retrouve sa logique fondatrice. On retrouve également cette instrumentalisation des corps dans La Vénus à la fourrure de Polanski qui confronte deux dominateurs, un metteur en scène et une actrice, dans une valse masochiste. Le sexe devient le fruit du hasard et de la perversion de l’homme chez Yann Gonzalez, Les Rencontres d’Après-minuit, avec cette partouze Buñuelienne sans cesse reportée par les angoisses des participants.

Mes Séances de Lutte, Jacques Doillon

Si le cinéma français peut paraître cru, c’est par un mélange de genres chargé de symboles et de poésie qu’il parvient à s’extirper du simple fait de montrer gratuitement des faits. Un retour à la tradition d’un cinéma purement narratif, un glissement vers le conte. L’Inconnu du Lac n’est alors plus une œuvre homosexuelle, mais un conte sur la séduction avec une distinction entre un bien naïf (Franck) et un mal séduisant (Michel) mis en place par une conscience (Henri). Une thématique du conte qu’on retrouve chez Agnès Jaoui (Au Bout du Conte) qui met en situation des personnages caractéristiques : la princesse, le méchant loup, la marraine, le prince charmant. Des anachronismes séduisants qui amènent un humour recherché. L’humour du cinéma français se fait également par le mélange des genres. Guillaume Gallienne (Les garçons et Guillaume, à table !) signe la comédie la plus rafraîchissante de l’année en faisant de sa vie une douce farce sur la perception des genres. Admirer les femmes, induirait forcément un penchant homosexuel ? C’est dans ces questionnements qu’il parvient à tirer un humour à contre-pied, un génial comique de situations et de quiproquos. Chaque sujet peut devenir une habile farce sociale : le procès d’un globophage chez Dupontel (9 mois ferme), un commissariat et la police des polices chez Bozon (Tip Top).

Les Garçons et Guillaume à table, Guillaume Gallienne

L’onirisme à la française n’est pas seulement le fruit d’un scénario ciselé, mais d’un travail sur l’image et ses représentations. La France fourmille de réalisateurs qui sont de véritables artisans visuels. En adaptant l’œuvre de Boris Vian – L’Ecume des Jours–, Michel Gondry parvient à créer un ciné-sthésie visuel qui mélange le cinéma et les arts plastiques pour créer un monde chimérique. Une absurdité, au sens de Camus, visuelle sublimée par les bricolages de Gondry. On retrouve cette habilité dans le premier long-métrage du dessinateur Sylvain Chomet (Attila Marcel) qui narre le voyage dans la conscience de Paul à la recherche des souvenirs  de ses parents à l’aide d’un poétique potager d’appartement. Des inspirations diverses marquent alors le lyrisme à la française : La Fille du 14 Juillet d’Antonin Peretjatko fait revivre le Godard de la Nouvelle-Vague ; Queen of Montreuil de Solveig Anspach retrouve le cinéma de Méliès ; tandis que Les Rencontres d’Après-Minuit tend vers le surréaliste et les lignes de fuite du cinéma expressionniste allemand des années 1920. Un cinéma référencé mais profondément novateur.

L'Ecume des Jours, Michel Gondry

L’avenir du cinéma français est prometteur avec un groupe de jeunes réalisateurs ambitieux. Avec son deuxième long-métrage Grand Central, Rebecca Zlotowski irradie en signant cette histoire d’amour passionnel sur fond de nucléaire. Elle dissèque la mise en place du désir entre ses personnages pour retrouver la logique contaminatrice des particules nucléaires. Une ambition d’observation qu’on retrouve également dans La Bataille de Solférino de Justine Triet. Dans son deuxième long-métrage, la réalisatrice fait s’entrechoquer microcosme et macrocosme. Elle englobe le récit de deux divorcés se disputant les enfants de la ferveur de l’élection de François Hollande en 2012. Une ébullition sensorielle qui explose dans une hystérie populaire entre fiction et réalité. Cette recherche de saisir une réalité se retrouve chez Virgil Vernier qui lie l’histoire d’une strip-teaseuse et des cérémonies pour Jeanne d’Arc dans Orléans. Des œuvres atypiques qui brouillent les frontières entre documentaire et fiction pour amener le spectateur dans une nouvelle vision de percevoir le cinéma. Un cinéma qui se politise également chez Thierry de Peretti (Les Apaches) qui met en scène la violence chez les jeunes corses entre immigration et gangs. Le nouveau cinéma français ne se tourne pas seulement vers le réalisme social, il est aussi empreint de percées lyriques comme dans La Fille du 14 Juillet (Antonin Peretjatko), Les garçons et Guillaume, à table ! (Guillaume Gallienne) ou Les Rencontres d’Après-minuit (Yann Gonzalez).

Les rencontres d'après-minuit, Yann Gonzalez

Le cinéma français a encore de beaux jours devant lui. Une vitalité éclatante et multiple qui séduira n’importe lequel d’entre vous.

Les 10 films de 2013 :

Une année ne pouvant se conclure sans « Top 10 », le Cinéma du Spectateur vous présente subjectivement les plus belles œuvres de 2013.

(Vous pouvez retrouver les critiques des films en cliquant sur le numéro de leur critique).

La Vie d'Adèle, Abdellatif Kechiche

1.
La Vie d’Adèle, Abdellatif Kechiche
(France)

« La Vie d’Adèle affirme une nouvelle fois le talent incroyable d’Abdellatif Kechiche. La singularité de son approche naturaliste continue d’opérer la magie du cinéma. Il ne raconte pas, il fait vivre des personnages. La Vie d’Adèle est une œuvre parfaite, une palme d’or incontestable.  »
Critique 61#

Spring Breakers, Harmony Korine

2.
Spring Breakers, Harmony Korine
(Etats-Unis)

« Spring breakers est le film d’une génération déchue et superficielle qui finalement bouscule les codes pour ne créer que du vide. La provocation est routine. Harmony Korine signe un bijou pop énergique et envoûtant. Quand MTV rencontre la spiritualité du cinéma américain, c’est un ovni majestueux qui en résulte. »
Critique 37#

L'Inconnu du Lac, Alain Guiraudie

3.
L’Inconnu du Lac, Alain Guiraudie
(France)

« L’Inconnu du Lac est une œuvre au charme fou qui subjugue et qui entraîne le spectateur dans un monde réel mais peuplé de légendes (silure) et contes. Alain Guiraudie livre un long-métrage réussi qui divertit à la manière de ses voitures sur le parking dont le spectateur tente de trouver les propriétaires se posant à son tour la question : « Michel sera-t-il là ? »« .
Critique 50#

Camille Claudel - 1915, Bruno Dumont

4.
Camille Claudel – 1915, Bruno Dumont
(France)

 » Bruno Dumont nous emporte dans le cinéma du vide. Un vide de l’espace où seuls les visages tiennent des rôles d’ornement. Un vide de clameurs où le silence monacal est plus signifiant qu’un monologue shakespearien. Un vide de temps que l’on croit suspendu comme pour mieux montrer les meurtrissures des âmes qui errent tels des fantômes altérés par le destin. Camille Claudel 1915, c’est l’évocation de deux mondes contradictoires qui s’entrechoquent par le biais d’un jeu magistral de champs/contrechamps« .
Critique 36#

Mes Séances de Lutte, Jacques Doillon

5.
Mes Séances de Lutte, Jacques Doillon
(France)

A Touch of Sin, Jia Zhang Ke

6.
A Touch of Sin, Jia Zhang Ke
(Chine)

« A Touch of Sin est une œuvre remarquable. Autant pour sa dénonciation des sociétés émergentes – qui superposent les sociétés traditionnelles et  les sociétés capitalistes laissant une zone d’ombre qui profite à la corruption et la violence qui en découle – que par sa mise en scène grandiose. Une claque scénaristique, une explosion visuelle : une œuvre splendide !« .
Critique 67#

La Bataille de Solférino, Justine Triet

7.
La Bataille de Solférino, Justine Triet
(France)

La Cinquième Saison, Peter Brosens, Jessica Hope Woodworth

8.
La Cinquième Saison, Peter Brosens & Jessica Hope Woodworth
(Belgique)

« La Cinquième Saison est un chef d’œuvre somptueux et intelligent. Il marque le retour d’un cinéma exigeant formellement livrant sans doute les plus belles images de l’année. Une œuvre impitoyable qui ne peut vous laisser de marbre« .
Critique 55#

La Dernière fois que j'ai vu Macao, Joao Pedro Rodrigues, Joao Rui Guerra da Mata

9.
La Dernière fois que j’ai vu Macao, J.P. Rodrigues & J.R. Guerra da Mata

(Portugal)

« La Dernière fois que j’ai vu Macao est une œuvre atypique, une création originale et audacieuse qui allie à la mise en scène de la fiction, la spontanéité du documentaire ; à l’identification visuelle, celle des autres sens ; à la fiction, une sorte d’empreinte historique. Les compères portugais sont audacieux, et lorsqu’elle paye, c’est pour faire des miracles, ou ici un bijou« .
Critique 48#

Clip, Maja Milos

 10.
Clip, Maja Milos
(Serbie)

 » Clip est une expérience sur les limites du spectateur : ce qu’il peut endurer de voir, ce qu’il peut endurer de ressentir, jusqu’où peut-il y avoir une identification. Clip est une réussite, un grand coup dans le paysage cinématographique. »
Critique 43#

Bonne Année !

Classement 2011 – Cinéma International

Meilleur Long-métrage:

1. Melancholia, Lars Van Trier, Danemark

2. Une Séparation, Asghar Farhadi, Iran

3.The Tree of Life, Terrence Malick, Etats-Unis

4. Black Swan, Darren Aronosfky, Etats-Unis

5. La Piel que Habito, Pedro Almodovar, Espagne

6. Les Crimes de Snowtown, Justin Kurzel, Australie

7. Le Gamin au vélo, Jean-Pierre et Luc Dardennes, Belgique

8. Le Discours d’un Roi, Tom Hooper, Angleterre

9. Carancho, Pablo Trapero, Argentine

10. Carnage, Roman Polanski, France-Pologne

Meilleur Réalisateur: Lars Van Trier, Melancholia (Danemark)

 

Meilleur Acteur: James Franco, 127 Heures (Etats-Unis)

 

Meilleure Actrice: Kirsten Dunst, Melancholia (Etats-Unis)

 

Meilleur Second Rôle Masculin: Christian Bale, Fighter (Etats-Unis)

 

Meilleur Second Rôle Féminin: Amy Adams, Fighter (Etats-Unis)

 

Meilleure Révélation: Mila Kunis, Black Swan (Etats-Unis)

 

Meilleur Jeune: Hunter McCracken, The Tree of Life (Etats-Unis)

Meilleur Casting: Une Séparation (Iran)

Meilleur Scénario Original: Lars Van Trier, Melancholia (Danemark)

Meilleure Adaptation: Pedro Almodovar, Augustin Almodovar, La Piel que Habito (Espagne)

Meilleur Film d’Animation: Rango, Gore Verbinski (Etats-Unis)

Meilleure Photographie: Manuel Alberto Claro, Melancholia (Danemark)

Meilleure Direction Artistique: James Choo, Détective Dee: le Mystère de la Flamme Fantôme (Chine)

Meilleurs Costumes: Bruce Yu, Détective Dee: le Mystère de la Flamme Fantôme (Chine)

Meilleur Maquillage: Jose Quetglas, Balada Triste de la Trompeta (Espagne)

Meilleur Montage: Andrew Weisblum, Black Swan (Etats-Unis)

Meilleure Musique: Alberto Iglesias, La Piel que Habito (Espagne)

Meilleure Chanson Originale: « Una Patada en los Huevos », Alberto Iglesias, La Piel que Habito (Espagne)

Meilleur Son: Rick Hromadka, Bill Meadows, Sucker Punch (Etats-Unis)

Meilleurs Effets Visuels: Scott E. Anderson, Jamie Beard, Alex Burt, Vaughn Cato, Alasdair Coull, Kevin Cushing, Aaron Gilman, Quentin Hema, Dejan Momcilovic, Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne (Etats-Unis)

Meilleure Affiche: Melancholia (Danemark)


2011: L’Humanisme cinématographique

Il est assez paradoxal de commencer un blog par un bilan, mais le moment de l’année me le permet. L’année 2011 touche à sa fin et se révèle d’une qualité impressionnante. Ce n’est pas l’année 2010, où seul le Mother de Joon-Ho Bong se démarquait du paysage cinématographique. On suit ici un schéma tout autre. On assiste au retour de nombreux cinéastes: Lars Van Trier, Les Frères Dardennes, Steve McQueen, Sofia Coppola, Gus Van Sant, David Cronenberg, Darren Aronofsky, Danny Boyle mais surtout le retour triomphant et magnifique de Terrence Malick. C’est aussi les rendez-vous annuels (et répétitifs) des habitués: Clint Eastwood, Pedro Almodovar, les Frères Coen, Roman Polanski, Woody Allen. Voilà pour une rapide vision des réalisateurs.

On assiste à un retour sur l’homme, sur la vision que l’humanité à d’elle-même. Ce n’est que par cette introspection que le cinéma atteindra d’ailleurs (sauf exception) son sublime.  C’est l’homme face au danger inévitable, l’homme anéanti et en voie de disparaître qui permet aux réalisateurs de raconter les plus beaux contes cinématographique. La genèse de l’humanité prend son sens par la peinture métaphysique de Terrence Malick, son Tree of Life pousse à son paroxysme l’onirisme par des images, ou plutôt des oeuvres créatrices de sentiments, de sensations, d’impressions. L’au-delà se dessine alors dans la religion avec l’envoûtant refrain susurré par les acteurs « Father, mother ». La mort hante aussi le cinéma de plusieurs réalisateurs: le cosmos séduit Lars Van Trier qui signe avec Melancholia une éradication grandiose de l’humanité par cette planète qui signe inévitablement la fin d’un monde ponctué par la peur, la colère, l’appât du gain. La destruction est la réponse à la gangrène qui ronge la Terre de l’intérieur. Lorsque que le cosmos n’intervient pas, c’est alors les éléments qui se déchaînent: pour son film annuel, Clint Eastwood se penche sur la reconstruction de personnages touchés par la mort, et c’est l’histoire qui inclue Cécile de France qui illustre notre réflexion.

Jamais l’homme ne sera tranquille, s’il ne trouve pas sa souffrance dans le cosmos, c’est parce qu’il endure déjà son microcosme. Valéry Donzelli (La guerre est déclarée) sera sans doute la plus touchante en racontant l’histoire (personnelle) de son enfant atteint dès la naissance d’une tumeur au cerveau, elle aura le génie et le savoir-faire nécessaire pour ne jamais tomber dans le pathos, et trouvera la force d’en faire un film mixte qui mélange brillamment les genres du drame et de la comédie, car si on pleure, on rit. C’est également la devise de Maïwenn qui  avec Polisse, justement récompensé d’un Prix du Jury au Festival de Cannes, s’immisce dans la Brigade de Protection des Mineures (BPM) troquant la dureté de ses propos par des scènes comiques réellement hilarante. Mais lorsque je parle de dérèglement du microcosme je vois deux voies possible: d’un côté le mal qui ronge la société sous différente forme (la violence dans l’incroyable premier film Les Crimes de Snowtown, qu’on retrouve le thriller sud-coréen de Kim Jee-woon intitulé J’ai rencontré le diable; l’accident fatal dans On the Ice; ou encore une sorte de folie de l’homme moderne que Polanski illustre à merveille en adaptant la pièce de Yasmina Reza avec Carnage), de l’autre la maladie qui détruit l’intérieur de l’homme pour finalement le rendre plus vivant, le dé-diviniser: Restless les fait sans doute partir trop tôt, mais cela est égal puisque face à la mort nous perdons dans tous les cas, Steve McQueen (Shame) empêche son héros de vivre, il le fige dans une obsession sexuel, et ne pouvons nous pas voir chez Darren Aronofsky (Black Swan) la folie de l’homme, son sentiment fou d’être toujours persécuté, mise à mal.

C’est face à ses propres combats qu’il peut s’en sortir et retrouver la gloire qu’il a perdu au profit de la nature, des forces de l’univers, c’est à dire ce qu’il ne maîtrise pas. Il ne maîtrise pas la nature, qu’il n’a d’ailleurs jamais maîtrisée. Les catastrophes géologiques qui ont eu lieu au cours de l’année le prouve bien: séisme, raz-de-marrée … Danny Boyle est un représentant de cette humanité vaillante qui peut avoir foi en elle, en sa survie. C’est en effet en offrant le rôle (son plus beau) d’ Aron Ralston à James Franco pour 127 Heures qu’il montre le potentiel souvent sidérant de l’homme, son courage face à ce qui paraît une situation perdu d’avance. Certes, vous pouvez me dire qu’Aron Ralston n’est pas n’importe qui, que tout le monde n’aurait pas la force et l’envie de survivre 127 heures, le bras coincé sous un rocher et n’avoir comme solution seulement l’auto-amputation de son membre. Mais, il n’est que le messie de l’optimisme en l’homme, d’un homme qui s’accroche à tout ce qu’il a pour vivre.

Certains d’entre vous peuvent voir autre chose dans l’année 2011 au cinéma, je me suis, quant à moi, intéressé à cela. La place que les cinéastes donne à l’homme m’a littéralement, ou plutôt cinématographiquement fasciné. Il est ni bon, ni mauvais, c’est le cadre qui l’entoure qui le façonne et le rend fragile. Il suffit, pour finir, de voir The Murderer du Sud-coréen Hon-jin Na pour le comprendre à travers le portrait de cette homme qui pour survivre ne peut que accepter de tuer cet homme qu’il ne connaît pas. L’homme n’est pas une certitude mais une multitude de possibilité qui restent ouverte au cinéma. La voie commencée par le cinéma mondial de 2011 semblent continuer sur sa lancée avec le très bon Take Shelter sortie en début d’année 2012.