The Dark Knight Rises: Les Funérailles d’un Héros

Christopher Nolan est un réalisateur à part dans le cinéma mondial actuel. Il est la rencontre même entre l’art et le divertissement. Le renouveau des films de super-héros, c’est grâce à lui. Sa trilogie autour de l’homme chauve-souris est d’une telle qualité visuelle et scénaristique que les grands studios américains ont maintenant décidé d’aller chercher des réalisateurs de talent pour réaliser leurs films. L’explosion ne fait plus recette, il faut maintenant un scénario, ce que les producteurs auront mis du temps à découvrir.  Michel Gondry pour « The Green Hornet », Kenneth Brannagh pour « Thor », et dernièrement Marc Webb pour « Spider-man »… Impensable si Christopher Nolan n’avait pas amené le genre du super-héros dans un genre cinématographique et non seulement dans un genre économique. Il faut tout de même signaler que cette transformation est aussi due, avec moindre importance aux « Spider-man » de Raimi. Mais « The Dark Knight Rises » remet en question la puissance de la trilogie si bien amorcée par « Batman Begins » et sublimée avec « The Dark Knight » (le film manifeste d’un genre qui choisit enfin la qualité). Nolan met fin à Batman en se plantant une épine dans le pied.

The Dark Knight Rises, Christopher Nolan

Tout commence par un scénario, si ce dernier n’est pas bon, même le plus grand réalisateur du monde ne peut rien y faire. Mais que dire quand le scénario provient du réalisateur même, pourtant réputé ingénieux scénariste (« Inception », « The Dark Knight »). Sans doute, une manque d’inspiration, ou tout simplement une overdose de Batman. Il faut dire que Nolan était attendu au tournant après deux épisodes réussis. Ici, tout n’est que cliché et attendu: méchant musclé, héros qui chute pour renaître et se dépasser, le dépassement de soi pour faire comme un … enfant, les histoires d’amour grosses comme des buildings. C’est un retour au super-héros d’avant Nolan et Raimi. Il n’y a plus de psychologie propre aux personnages, plus de méchants psychopathes mais des camionneurs bodybuildés ex-taulard de pays exotiques ; plus de dialogues mais des explosions. Ici, Nolan privilégie l’action pure et dure en oubliant justement ce qu’il a réussi à créer avec les deux premiers opus. Bruce Wayne n’est qu’une sorte de faire-valoir pour montrer des gros engins, des explosions, des tirs et des coups de poing. Et ce n’est pas le pseudo retournement de la fin, si ridicule qu’imprévisible, qui sauvera ce navire qui coule.

The Dark Knigt Rises, Christopher Nolan

Un autre problème empêche le fonctionnement de « The Dark Knight Rises » et son rapprochement aux précédents opus: la disparition de Gotham. En effet, Christopher Nolan avait tout fait pour que le rapprochement entre Gotham (mégalopole verticale imaginaire) et New-York (mégalopole verticale réelle) ne puissent se faire. « Batman Begins » ne marquait pas encore cette envie de créer une nouvelle ville à la « Métropolis » de Lang, mais le but de « The Dark Knight » était de créer un Gotham à travers des images d’autres villes existantes et dont les images sont moins gravées dans l’imaginaire collectif. Le tournage aura alors lieu à Chicago, en ajoutant des visions de Los Angeles et de Baltimore et un soupçon de Hong-Kong qui attire par son ultra-verticalité les tournages du monde entier. Même si techniquement, le tournage de « The Dark Knight Rises » condense Pittsburgh, Los Angeles et New-York pour continuer de créer un Gotham unique. Le réalisateur fait l’enfantine erreur de faire des plans globaux vue du ciel de New-York pour montrer cette ville-île coupée du monde et qui doit se battre contre elle-même. Il ne faudra même pas une demi-seconde pour que le spectateur place le nom de « New-York » sur ces images et détruisent à tout jamais la ville crée par Nolan. Cette erreur est bien plus grave qu’il n’y paraît. Car l’univers de Batman fonctionne extraordinairement bien justement parce qu’il est situé dans une sorte de monde parallèle au notre où le fantastique est permis et où il peut s’épanouir. Mais par l’identification de ces images de New-York, le spectateur va se rendre compte de l’impossibilité d’un tel fonctionnement social au sein d’une réalité qui est la sienne. Les incohérences font surface, et ne pourront plus être mise de côté. Un super-héros dans un monde réel est dur à accepter et facilement pointer du doigt par son absurdité.

The Dark Knight Rises, Christopher Nolan

Nolan ne parvient pas à tutoyer les mêmes cieux que dans les précédents opus. Il enterre sa trilogie en détruisant ce qu’il avait pourtant si brillamment réussi à créer. Il n’arrive pas une troisième fois à créer la magie technique et scénaristique. Les funérailles de Batman sont alors douloureuses avec une pointe de regrets. C’est la dernière impression qui marquera la trilogie et elle est teintée d’amertume.

Le Cinéma du Spectateur

Note: ☆☆✖✖✖ – Moyen

2 réflexions sur “The Dark Knight Rises: Les Funérailles d’un Héros

  1. Je ne suis absolument pas d’accord avec cette critique. Les arguments développés sont tout sauf valables. En effet, et ce à commencer par la soi-disante mauvaise qualité du scénario. Il continue formidablement dans la même veine que celui de The Dark Knight, car à nouveau, on a l’impression que les frères Nolan ont condensé la densité d’une série TV en une seule fresque cinématographique, ce qui donne un scénario aux multiples territoires et rebondissements fascinants. Une des grandes forces de celui-ci est par exemple de réussir à tisseune envie grandissante du spectateur que Batman réapparaisse, pour stopper les actes d’une violence extrême perpétués par Bane et ses sbires. Le méchant n’est d’ailleurs pas raté tout simplement parce qu’il est musclé. Au contraire, il ne faut pas le réduire à ça. Il est justement intéressant que Nolan n’est pas exploré le même registre qu’avec le Joker, car sinon, on aurait risqué quelque chose de répétitif. Ici, Bane est une bête post-11/09, un fanatique qui rappelle Ben Laden dans ses motivations les plus profondes : c’est à dire remettre l’occident dans le « droit chemin », à coup d’attentats et autres actes terrifiants. D’où la présence de ces scènes d’explosion, dont celle du stade par exemple, est mémorable, que vous déplorez. Ensuite, vous évoquez la disparition de Gotham. Ou vous n’avez pas vu le même film que moi, ou alors vous faites preuve de mauvaise foi. Il faut le faire exprès pour ne pas s’apercevoir que Gotham devient ici un personnage à part entière ! Les frères Nolan nous font vivre au plus près la tragédie que connaissent tous ses habitants, du plus pauvre au plus riche, tout en montrant de façon métaphorique (les égoûts), à quel point le Mal est enfouit au plus profond de la ville, et par extension, de l’Amérique. Mais vous oubliez aussi de traiter du passionnant discours politique du film. Extrêmement ambivalent, celui-ci critique aussi bien l’administration Bush (le Patriot Act=la loi Dent, une bonne chose reposant sur une base douteuse), la folie du capitalisme (Bane énonce des choses frappantes de justesse lors de ses discours) et les inégalités de richesse qu’elle entraîne. J’en oublie beaucoup, il serait trop long de tout citer. Sur un pont esthétique, ce troisième volet est au moins aussi réussi que le précédent, Nolan étant de plus en plus aguerri. De nombreux plans sont mémorables, la caméra est toujours placée là où il le faut pour sublimer une scène. Quant à l’interprétation, elle est une nouvelle fois de haute volée, de Christian Bale, toujours aussi parfait pour incarner les fissures d’un héros plus humain que jamais, à Tom Hardy, en passant par la surprenante Anne Hathaway, d’une grâce éblouissante. On en oublierai d’ailleurs presque les scènes spectaculaires, toutes dignes du meilleur du genre. La première séquence est une nouvelle date dans le cinéma d’action, tandis que les quelques courses-poursuites qui nous sont données à voir sont grisantes comme peu d’entre elles. La musique d’Hans Zimmer apporte d’ailleurs au film une dimension épique comme rarement une composition musicale sait le faire. En fait Jean-Marc Lalanne, des Inrocks, le résume très bien : « Le dernier Batman est une grande lessiveuse dans laquelle tournoie tout le chaos de notre monde ». Tout est dit. Une trilogie qui marquera le septième art.

    • Je n’ai jamais affirmer avoir parole d’évangile. Le cinéma est, comme tout art, subjectif, chacun peut y voir ce qu’il veut et chacun projète sa vision du beau, du bon sur les films. Je ne vais pas re-expliquer mes idées sur ce film, mais je tiens à mettre au clair certains points. Je peux aussi mettre la presse de mon côté, il suffit de lire les Cahiers du Cinéma qui relate aussi la disparition de Gotham. Comme vous le dites, nous n’avons pas vu sans doute le même film. En effet, Gotham en elle-même est un personnage important et plus important encore que dans les autres opus, mais je persiste sur le fait que la perception de Gotham comme entité nouvelle et qui se réclame aucune analogie au monde connu n’est plus. Gotham dans « The Dark Knight Rises » est clairement New-York. Les plans aériens le prouvant.
      Sinon, oui, je suis d’accord sur le fait que la trilogie marquera sans doute l’histoire du film d’action et plus particulièrement du film de superhéros. Mais cela est sur qu’il ne marquera pas par le 3e film, mais clairement par le 2e. Le scénario est peut-etre plein de référence, mais cela ne change pas son côté banal: le dépassement de soi, un méchant au grandes dents, une pseudo-histoire d’enfant prodige qui ne tient clairement pas debout visuellement vu les distances de sauts, mais bon, après, le cinéma est une fiction.

Répondre à lecinemaduspectateur Annuler la réponse.